Dans le quartier de Delfshaven à Rotterdam, Gerard Van de Sanden a fait de sa collection de flippers un musée. Il nous raconte son parcours, l’histoire du Dutch Pinball Museum, les difficultés et les succès qu’il a rencontrés.
A ne pas confondre avec le fabricant Dutch Pinball, qui n’a rien à voir avec le sujet 🙂
Sommaire
- 1 Bonjour Gerard, peux-tu te présenter ?
- 2 Commençons par le commencement : quels sont tes premiers souvenirs de flipper ?
- 3 Quel fut ton premier flipper ?
- 4 Le Dutch Pinball Museum a été créé grâce à ta collection personnelle. Comment en es-tu arrivé à accumuler autant de machines ?
- 5 Qu’est-ce qui t’a donné envie de passer d’une collection privée à un lieu public ?
- 6 Quel est le concept du Dutch Pinball Museum ?
- 7 Comment le bâtiment a-t-il été choisi ?
- 8 Quelles difficultés as-tu rencontrées dans la création de ce musée ?
- 9 Comment les habitants du quartier de Delfshaven vous ont-ils accueillis ?
- 10 Comment se sont passées les premières années ?
- 11 Comment le musée a-t-il survécu à la pandémie ?
- 12 Le 24 novembre, le musée s’est agrandi. Félicitations ! Quel est le but de cet agrandissement ?
- 13 Peux-tu nous présenter l’équipe du musée ?
- 14 Aujourd’hui, dirais-tu que tu as atteint les objectifs que tu t’étais fixé au départ ?
- 15 Le musée parvient-il à s’autofinancer grâce aux droits d’entrée ? Existe-t-il d’autres sources de revenus ?
- 16 Quels sont tes projets pour l’avenir ? Que pouvons-nous te souhaiter ?
- 17 Un dernier mot ?
Bonjour Gerard, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Gerard, je viens des Pays-Bas. J’ai presque cinquante ans. Ma vie a toujours été centrée sur les flippers ! Dès mon enfance, j’ai été attiré par le flipper et j’ai fait de mon hobby mon travail quotidien.
Je dirige le musée depuis près de neuf ans. Je vis mon rêve !
Commençons par le commencement : quels sont tes premiers souvenirs de flipper ?
Dès l’âge de 6 ans, je connaissais le monde du flipper. Nous avions déménagé de Rotterdam pour nous installer pas très loin. Là où j’habitais à l’époque, il y avait une petite salle d’arcade au coin de la rue. Chaque après-midi, en revenant de l’école, je voyais des hommes plus âgés jouer à des machines à sous.
Il y avait des flippers sur le devant de la salle d’arcade, et j’ai toujours su trouver une pièce pour jouer ! Depuis, ces machines ne m’ont jamais quittées. J’ai joué au flipper toute ma vie.
Quel fut ton premier flipper ?
En 1988, à l’âge de 14 ans, j’ai acheté mon premier flipper. C’était Grand Prix, le flipper électromécanique de Williams. Il était plus souvent cassé qu’opérationnel, mais nous nous sommes beaucoup amusés avec !
Le Dutch Pinball Museum a été créé grâce à ta collection personnelle. Comment en es-tu arrivé à accumuler autant de machines ?
Il y a vingt ans, un flipper ne coûtait pas grand-chose, environ 500 euros. On pouvait donc acheter de très belles machines.
J’ai commencé à les acheter, jusqu’à ce qu’elles ne rentrent plus chez moi. Il y a vingt ans, j’ai commencé à louer des bureaux vides avec un ami, et nous y avons installé les machines. Nous n’avions plus besoin de les vendre, sauf pour acheter d’autres flippers. C’est ainsi que la collection a commencé à s’agrandir !
En 2015, j’avais une grande collection mais aussi des accessoires et décorations à mettre au mur, à exposer. J’avais une collection suffisamment importante pour créer un musée, mais j’empruntais aussi quelques machines pour remplir la salle.
Pendant neuf ans, la collection s’est développée de manière exponentielle. Chaque centime que nous gagnions était la plupart du temps consacré à l’achat d’autres machines. Aujourd’hui, notre collection compte près de deux cents flippers. Ils ne sont pas tous exposés dans le musée, 150 sont jouables ou exposés. Les cinquante autres sont stockés pour l’avenir.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de passer d’une collection privée à un lieu public ?
Je n’aurais jamais pensé pouvoir diriger un musée. Mais j’ai commencé pour deux raisons :
- J’aime beaucoup la partie éducative d’un musée. Il y a de belles histoires à raconter !
- Je veux renvoyer les gens en enfance.
Mais je ne voulais pas avoir affaire à des gens ivres tous les samedis soirs, qui auraient endommagé mes machines. Je voulais attirer des personnes gentilles et respectueux. C’est pourquoi nous ne sommes ouverts qu’en journée !
Quel est le concept du Dutch Pinball Museum ?
Je veux vraiment apprendre aux gens ce qu’est un flipper. La plupart des gens pensent qu’il s’agit d’une machine à sous, alors que ce n’est pas le cas. Nous expliquons donc aux gens d’où viennent les flippers et quel est leur avenir.
Nous avons une frise chronologique très intéressante qui explique l’évolution du flipper. La plupart des Néerlandais pensent que les tables de flipper ont toujours eu des batteurs. Mais avant 1947 et le jeu Humpty Dumpty, il n’y en avait pas !
Je veux expliquer aux visiteurs que le flipper a une histoire très riche. Si personne ne raconte cette histoire, elle disparaîtra dans quelques années.
Comment le bâtiment a-t-il été choisi ?
Comme dans le film Indiana Jones : « choisissez judicieusement ».
J’ai eu beaucoup de chance. Avant le musée, le bâtiment était vide, nous étions les premiers locataires depuis 8 ans. Il a une très belle atmosphère, il a presque 200 ans. Le bâtiment va comme un gant au musée. Je ne peux pas imaginer autre chose qui conviendrait dans ce bâtiment.
Tout est parfait pour nous. Les plafonds sont suffisamment hauts pour y installer des flippers avec leurs toppers. S’ils avaient été cinq centimètres plus bas, nous n’aurions rien pu en faire.
Je n’ai pas choisi le bâtiment, c’est le bâtiment qui nous a choisis !
Quelles difficultés as-tu rencontrées dans la création de ce musée ?
Beaucoup de difficultés ! Je ne suis pas directeur de musée. J’ai travaillé comme peintre en bâtiment pendant vingt-cinq ans, je n’ai pas la formation nécessaire pour gérer un tel lieu, mais nous le faisons avec passion !
Si vous n’avez pas les compétences, trouvez quelqu’un d’autre qui les a ! Je n’ai pas peur de demander aux gens, du moment qu’ils font leur travail mieux que moi. La passion ne s’apprend pas, et c’est pourtant ce dont on a le plus besoin pour gérer un musée sur le flipper. Si vous pensez au modèle économique, ne le faites pas.
Et bien sûr, le COVID est arrivé. En 2020 et 2021, nous étions à l’agonie, mais nous avons fini par y arriver. Et maintenant, c’est le moment pour le musée de grandir : nous avons enfin agrandi notre musée. Sans COVID, cela serait arrivé plus tôt. Mais bon, nous sommes toujours là, c’est déjà bien !
Comment les habitants du quartier de Delfshaven vous ont-ils accueillis ?
Pour ceux à qui j’ai parlé, ils sont ravis que nous soyons là ! Je pense que nous nous en sortons très bien.
Comment se sont passées les premières années ?
En 2015, je voulais créer un musée tout en conservant mon entreprise de peinture. Je voulais travailler à mon compte du lundi au vendredi, et du samedi au dimanche, je voulais gérer un musée.
Ce fut une période très difficile, sans aucun jour de congé. Mais au bout de six mois, le musée marchait si bien que j’ai pu arrêter mon autre entreprise. À partir de ce moment-là, le musée est devenu un travail à temps plein… Plus qu’un travail à temps plein en fait.
En 2018, ma femme m’a demandé si elle pouvait me rejoindre. Aujourd’hui, nous sommes tous les deux impliqués dans le Dutch Pinball Museum. Chaque jour, nous travaillons au musée ou sur le musée !
Comment le musée a-t-il survécu à la pandémie ?
La période a été très difficile. Nous sommes un musée privé, donc nous ne recevons pas de subventions publiques du tout. Certaines personnes nous ont aidés, nous avons recueilli des dons… Le gouvernement nous a aidés, mais quelques années plus tard, nous avons dû tout rembourser.
Période difficile, question suivante ! Je préfère me concentrer sur quelque chose de positif.
Le 24 novembre, le musée s’est agrandi. Félicitations ! Quel est le but de cet agrandissement ?
Nous aurions peut-être fait plus de bénéfices en restant petits. Mais l’ambition était de le faire grandir. Je ne veux pas plus de machines, il est très difficile d’en entretenir autant. Mais je voulais plus d’expérience, plus de matériel éducatif, plus d’espace entre les tables.
Une rangée de quinze machines est impressionnante, mais je pense qu’il est plus impressionnant de n’en voir que huit dans le même espace. Vous pouvez voir les artworks des côtés de la caisse. Elles en racontent beaucoup sur le flipper. Les machines sont plus présentables si vous leur donnez plus d’espace.
Peux-tu nous présenter l’équipe du musée ?
Bien sûr ! Déjà, il y a ma femme et moi.
Les mercredis soirs sont nos soirées de maintenance. Dix personnes interviennent :
- L’un nettoie les flippers ;
- un deuxième fait des petites réparations comme changer les ampoules et les caoutchoucs ;
- un autre fait de la soudure…
Ces dix personnes sont très importantes pour moi. Elles font fonctionner le musée. Ce sont des bénévoles, ils ne sont pas payés, c’est l’amour du jeu qui compte.
Nous avons aussi quelques gars qui s’occupent de la maintenance que nous ne pouvons pas prendre en charge. Ils viennent de temps en temps pour faire les travaux les plus difficiles, comme réparer les planches.
Et nous avons un personnel régulier : nous avons des responsables d’étage, des personnes qui travaillent au restaurant…
Aujourd’hui, dirais-tu que tu as atteint les objectifs que tu t’étais fixé au départ ?
Je pense que j’ai atteint plus que ce dont je pouvais rêver ! Qui aurait pu imaginer que nous grandirions autant, que nous irions aussi loin ? Nous le faisons parce que nous aimons ce que nous faisons. Si vous faites les choses par passion, les choses se développent, et au-delà de ce que vous auriez pu imaginer.
Le musée parvient-il à s’autofinancer grâce aux droits d’entrée ? Existe-t-il d’autres sources de revenus ?
Le musée se porte très bien ! En 2023, il y a eu 25 000 visiteurs payants. Nous ne proposons pas de billets gratuits ni de réductions. Nous ne pouvons survivre que si les visiteurs paient leurs droits d’entrée.
En outre, nous organisons des événements d’entreprise. Les gens peuvent réserver le musée les jours où nous ne sommes pas ouverts. Nous sommes ouverts le mercredi, le samedi et le dimanche. Les autres jours sont réservés aux groupes.
Cette combinaison nous convient parfaitement. Nous ne bénéficions d’aucune aide du gouvernement. Nous faisons tout par nous-mêmes et nous en sommes fiers.
Quels sont tes projets pour l’avenir ? Que pouvons-nous te souhaiter ?
Si je peux faire le même travail jusqu’à ma retraite, je serai l’homme le plus chanceux de l’univers du flipper ! Continuez à venir, soutenez-nous et nous nous occuperons du reste 🙂
Un dernier mot ?
Si vous voulez vous lancer comme nous l’avons fait, regardez votre agenda. S’il est vide pour les cinq prochaines années, faites-le !
Vous devez mettre votre vie entière de côté et être à plus de 100 %. Sinon, cela ne marchera pas. C’est difficile, mais si vous y arrivez, c’est le plus beau métier qui soit. Merci à tous !