Le flipper Xenon | Bally | Le rétro test

Chaque flipper quel qu’il soit marque l’histoire. Fabricant, thème, design, gameplay, autant de raisons pour autant de modèles de laisser une empreinte plus ou moins indélébile dans l’univers de nos chers pinballs.

Mais il faut bien reconnaitre néanmoins que certaines machines ont su s’imposer dans l’imaginaire collectif comme de véritables classiques de la belle époque qui parlent encore et toujours aux passionnés que nous sommes. Et dans la période des années 70/80, quelques noms évocateurs résonnent encore… Fathom, Black Hole, Centaur, Paragon, Black Knight, Xenon… Des machines aux thèmes audacieux et au design proches de véritables œuvres d’art. Et c’est sur ce dernier modèle, le fameux Xenon que nous allons nous attarder aujourd’hui.

Incontestable pépite visuelle située à mi-chemin entre Blade Runner, le courant cyberpunk et les œuvres d’HR Giger, cette machine créée par Bally en 1980 a pu également se targuer d’être la toute première machine parlante de la marque mais aussi et surtout, la toute première machine disposant d’une voix féminine ! Si cette particularité peut prêter à sourire aujourd’hui, dites-vous bien qu’à l’époque, au milieu de ces jeux d’argent historiquement destinés à un public essentiellement masculin (de fait), la nouveauté venait faire grand bruit au milieu des autres modèles et aura, pour grande partie, contribué à faire son succès (11 000 exemplaires produits tout de même).

Alors, comme dirait la charmante voix de Suzanne : « Welcome to Xenon » !

Arreteuh c’est un grain de beauté. Un grain de beauté ? Ça prouve la beauuuuuuté.

Difficile de parler du Xenon sans aborder LE sujet qui le place encore aujourd’hui comme une véritable machine légendaire : Son design. Et plus précisément l’artwork global de cette machine. On ne sait même pas par où commencer tellement tout est beau sur ce flipper.

Certes, la caisse se fond au milieu des standards de l’époque et arbore un dessin plutôt sobre puisqu’il est composé des fameuses lignes rouges symbolisant la lumière, qui vont d’ailleurs se retrouver un peu partout sur le reste des artworks. Mais le lettrage du titre du jeu, fondu dans des éclairs rappelant la technologie futuriste, ce trou noir matérialisé par les ronds bleus symbolisant l’espace et les visages entourant le fameux « X » sur les côtés du fronton viennent nous rappeler que sobriété n’est en rien synonyme de pauvreté.

La backglass vient quant à elle, mettre une gifle monumentale à la moitié des flippers déjà sortis jusqu’alors et reste, encore aujourd’hui bien au-dessus de la plupart des designs qui équipent nos machines récentes.

Comprenez-moi bien, on ne parle pas simplement de la qualité du dessin de Paul Faris (Centaur, Paragon, Space Invaders ou encore Phantom of the Opera pour ne citer que quelques-uns de ses plus beaux chefs d’œuvre) mais aussi de la technique employée pour permettre un rendu, une fois éclairé, totalement unique et reconnaissable entre tous.

La backglass se compose en réalité de deux vitres. Une première, qui dispose des ombrages peints et une seconde, qui comporte la majorité du dessin et des détails qui l’accompagnent. Entre ces deux vitres : Une lame d’air d’une épaisseur de 5cm environ dans laquelle sont fixées toute une rangée d’ampoules qui fait le tour complet du cadre. Et pour sublimer le tout : Un jeu de 4 miroirs disposés aux angles de la backglass, qui reflètent la lumière produite par les ampoules une fois allumées. Une véritable prouesse visuelle.

C’est évidemment compliqué à retranscrire par écrit, mais je peux vous garantir qu’en réalité l’effet est saisissant ! Quand on sait que la backglass d’une machine (encore plus à cette époque), forgeait en grande partie l’identité d’un flipper au milieu de tous ceux qui peuplaient les salles de jeux, inutile de vous dire que Bally écrasait la concurrence avec son Xenon.

Le plateau lui, se découvre comme une peinture tant il semble essayer de nous raconter une histoire. Celle d’un univers de science-fiction ou l’on accède à un gigantesque phare futuriste au travers d’un tube, qui se retrouve à la fois sur l’artwork mais également en tant que « rampe » en jeu. Le reste des éléments oscille entre visages d’hommes et de femmes se transformant en créatures cybernétiques au milieu d’éléments robotiques ressemblant peu ou prou à l’intérieur d’un vaisseau spatial. Qu’est-ce que Xenon ? Quelle histoire veut nous raconter cette machine ? Que tente de nous transmettre Faris au travers de ces nombreux détails ? A vous de vous faire votre propre idée du thème car ici, comme sur de nombreuses machines à l’époque, point de licence mais un thème original qu’il vous faudra interpréter en même temps que vous jouerez de vos batteurs pour conserver la bille au travers de cet univers futuriste.

Xenon la guerrière

S’il est indéniable que cette machine est une véritable prouesse visuelle, côté gameplay c’est une autre limonade ! Non pas que ce soit mauvais bien évidemment… mais c’est malheureusement assez plat. Certes nous sommes en 1980 et le gameplay des machines de cette époque n’égale pas encore celui des alphanumériques de fin de décennie, ni celui des dots qui suivront. Mais il est tout de même assez surprenant de se retrouver face à une machine aussi classique dans son approche malgré les nombreux éléments (dont certains novateurs pour l’époque) qui composent son plateau de jeu :

  • Une rampe (le fameux tube)
  • Un lock de billes
  • Un multiball de 2 billes
  • Des rollovers switchs (sous forme de petite boutons poussoir) qui activent les cibles tombantes associées

Sans compter les éléments classiques : scoop, spinner, cibles fixes & tombantes, slingshots et bumpers (au nombre de 4) qui finissent de garnir le plateau.

L’objectif de ce jeu (au même titre que de nombreux autres modèles de cette époque) nous fait renouer avec l’essence même du flipper : scorer !

Et pour ce faire, il faudra déclencher les multiplicateurs qui vous permettront de gonfler les points, sauf qu’ils ne sont pas toujours des plus simples à comprendre. On se retrouve donc assez rapidement à jouer uniquement avec la partie droite du plateau en enchainant cibles/rampe/cibles/rampe puis à envoyer de temps à autre la bille dans le scoop central pour, au bout de 3 fois, activer le lock de bille et ainsi tenter de démarrer le fameux multiball de 2, histoire de varier une chouilla le gameplay.

Multiball, qui a semble-t-il été ajouté au dernier moment avant la production pour apporter un peu de contenu supplémentaire mais qui se résume à un bonus pas franchement attractif : x10 sur le spinner (!). Autant vous dire que ce n’est déjà pas l’élément de jeu le plus fun, ni celui qui score le plus, mais alors de là à en faire l’objectif de la phase de jeu « finale », c’était clairement pas l’idée du siècle…

On se retrouve donc en multiball, à envoyer sa bibille dans le tourniquet, là où on aurait pu espérer un bonus un peu plus costaud avec d’autres éléments principaux du plateau, bref… Allez comprendre.

Pas pire, mais pas dingo non plus.

« Entrez dans Zénon ! »

Haaaa, le Xenon et la voix de femme sensuelle qui vous invite à lancer une partie, le petit gémissement coquin dès lors qu’on insert une pièce, le bruitage un poil canaille lorsque la bille frappe un bumper et… Bien non ! En France, on a eu le droit à une version tout à fait particulière puisque les roms de la carte son ont été échangées par celles d’une voix d’homme disposant d’à peu près autant de prestance qu’un annonceur de la RATP, avec un accent sorti d’on ne sait quelle région reculée, qui nous sert un « Entrez dans Zénon » proprement ridicule à la place du cultissime « Welcome to Xenon ».

Sans parler des « Zénon 2 », « Visez le tube » ou bien « Jouez-moi encore » qui sont devenus aussi célèbres que nanardesques.

Censure ? Fausse bonne idée pour favoriser l’adaptation du marché français ? Impossible d’avoir une certitude aujourd’hui sur ce qui aura poussé les importateurs à effectuer cette modification (qui s’est vue sur quelques autres modèles de la même génération d’ailleurs). Mais toujours est-il que même si ça pouvait être apprécié à l’époque car compréhensible de tous, objectivement cette modification détruit complètement l’âme sonore du flipper.

Suzanne Ciani, devant un Xenon

Car oui, je parle bien d’une âme sonore, et non, le terme n’est pas galvaudé. Au même titre que l’aspect visuel, le son tient une place très importante dans cette machine et la créature cybernétique aux courbes généreuses qui se retrouve sur le plateau (ou au travers du visage présent sur la backglass) prend vie aussi grâce à sa voix de femme synthétisée.

Et quelle voix ! Puisqu’il s’agit de celle de Suzanne Ciani, compositrice de musique électronique qui aura notamment créée l’ambiance sonore de ce flipper mais également prêté sa voix pour les call-out de cette toute première machine parlante de Bally. Et, comme mentionné précédemment, également le tout premier flipper disposant d’une voix féminine. Excusez du peu.

Vous retrouverez d’ailleurs un aperçu de son travail sur la vidéo ci-dessous. On se rend bien compte de la tâche colossale liée aux contraintes techniques de l’époque pour permettre d’intégrer de véritables voix au sein d’objets électroniques.

Pour le reste, la musique de fond est absolument parfaite. Elle dispose d’un rythme croissant en fonction des actions à effectuer, ce qui rajoute artificiellement du stress lors des phases de jeu (un peu à la manière du bruitage de cœur qui s’accélère dans le Gorgar de Williams) et vous oblige à vous concentrer pour espérer décrocher le multiball. Propre, net et efficace !

Zarza significa Xenon do Brasil…

Vous ne le savez peut-être pas mais dans les années 70/80, le marché brésilien était lui aussi consommateur de flippers. Sauf qu’à l’époque, ces machines étaient considérées comme des jeux d’argent (ben tiens !) et subissaient donc d’importantes taxes d’import dissuasives pour les exploitants locaux.

Qu’à cela ne tienne. Si on ne peut pas importer des flippers, fabriquons-les ! Et dans la mesure où le marché sud-américain peut difficilement être soumis aux mêmes législations que dans le nord, copions les grands classiques ! On gagnera du temps et de la R&D…

C’est ainsi que de nombreux modèles cultes ont vu leurs déclinaisons brésiliennes sortir sous un autre nom et dotées quelques différences visuelles (histoire de pas non plus faire du trait pour trait), notamment par la marque Taito (rien à voir avec le géant du jeux vidéo japonais).

Cette petite cocasserie a bien évidemment concerné le Xenon qui, fort de son succès, a eu droit à sa version brésilienne : Le Zarza.
Plus qu’une inspiration, on a droit à une copie pure et simple des éléments visuelles, réagencés de manière différente, comme en témoigne la backglass. Les éléments de plateau sont, quant à eux, positionnés de manière identique. Reste le son qui lui, est complètement retravaillé et pas vraiment pour le meilleur, il faut bien l’avouer…

On peut donc difficilement parler de « version brésilienne » puisque le modèle n’est pas exactement identique à la vraie version mais cette anecdote nous rappelle que la copie des grands succès, quels qu’ils soient, ne date pas d’hier…

Plus proche de nous, je pourrais également vous parler de Nuova Bell Games, la firme italienne qui fabriquait des kits de conversion pour certains Bally/Williams afin d’en faire des machines au nom et au look différent tout en conservant (plus ou moins) la mécanique originale puisqu’ils ont notamment maquillé grossièrement des Xenon pour en faire des Cobra (l’un de leur 14 modèles sortis).

Mais ce sujet, de la même manière que les copies brésiliennes, mérite un article à part tant il y a de choses à dire 🙂

Bite my shiny metal a** !

Alors au final, que penser de ce Xenon ? Et bien cette machine nous rappelle qu’un vrai succès dans le milieu du flipper passe certes, par la qualité de son game design mais aussi par la qualité de son design tout court !

Car même si c’est une vérité qui tend à disparaitre aujourd’hui, historiquement nos machines préférées sont des jeux d’argent dédiés l’exploitation. Autant vous dire que pour attirer le chaland, il fallait donner envie de jouer et susciter l’intérêt. Ce qui passe évidemment par la qualité du jeu en lui-même mais aussi par son attractivité visuelle et sonore.

Bally qui réunit les deux aspects en allant même jusqu’à faire parler sa machine en attract mode avec une voix de femme, réussissait ici un véritable tour de force. Les 11 000 exemplaires vendus le prouvent bien. Xenon est et restera une machine culte des années 80 sur laquelle, encore aujourd’hui, on prend un réel plaisir à jouer, ne serait-ce que pour le plaisir des yeux…

Syl Vain
Syl Vain
Fan de pop culture des années 80/90, collectionneur compulsif et partisan du "c'était mieux avant !"

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