Romain Fontaine est un homme discret, assez peu connu des amateurs de flipper. Et pourtant, dès qu’on s’intéresse à l’actualité du flipper européen, son nom revient régulièrement. En fait, il coopère à tous les projets du Vieux Continent, ou presque !
Romain nous raconte son parcours, on y croise tellement de fabricants européens qu’on dirait un annuaire des acteurs du marché ! Vous allez voir, son parcours est passionnant, et il le détaille avec beaucoup de simplicité.
Sommaire
- 1 Salut Romain, peux-tu te présenter ?
- 2 Passons à notre question classique : quel est ton premier souvenir de flipper ?
- 3 As-tu des flippers chez toi ?
- 4 Attaquons le plat de résistance : parlons de ton parcours professionnel. Ton début de carrière est orienté technique. Peux-tu nous expliquer ce qui t’as amené du côté obscur de la tech ?
- 5 En 2013, tu es embauché chez le fabricant de flipper Heighway Pinball. Peux-tu nous raconter comment le recrutement s’est déroulé ?
- 6 Comment s’est passée ton arrivée et ton installation au Pays de Galles ?
- 7 Quel était ton rôle chez Heighway ?
- 8 Rapidement tu es passé de Senior Electonics Engineer à Technical Director. Peut-on en conclure que ton intégration s’est bien passée ? Comment était l’ambiance au sein de l’équipe ?
- 9 En 2016, tu quittes Heighway Pinball, alors que l’entreprise ferme officiellement ses portes deux ans plus tard. Peux-tu nous expliquer les raisons de ton départ ?
- 10 Sentais-tu venir la fermeture de Heighway Pinball ? Qu’est-ce qui n’allait pas ?
- 11 En 2016, tu rejoins Funtronic, qui reste dans le domaine du software et de l’électronique. Un job alimentaire ?
- 12 En 2018, en parallèle de ton activité chez Funtronic, tu fondes Team Pinball avec d’anciens collègues de Heighway Pinball. Quelle était votre ambition à l’époque ?
- 13 Vous sortez le flipper The Mafia. Quels étaient vos objectifs et penses-tu les avoir atteints ?
- 14 En 2021, Team Pinball commence à conclure des partenariats avec d’autres acteurs du flipper. Comment en êtes-vous arrivés à vous associer à d’autres ? Etait-ce prévu dès le départ ?
- 15 Quelle est la répartition des rôles entre vous et Pedretti Gaming sur le kit Rudy’s Nightmare ?
- 16 Même question mais avec Pinball Adventures !
- 17 Récemment le fabricant français Hexa Pinball a annoncé ta contribution sur leur premier flipper Space Hunt. Peux-tu raconter votre rencontre ?
- 18 Sur quoi travailles-tu sur le Space Hunt concrètement ?
- 19 Abordons l’avenir désormais. Quels sont les prochains projets de Team Pinball ?
- 20 Et toi, à titre personnel, quels sont tes projets ?
- 21 Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
- 22 Merci Romain pour cet échange. Un dernier mot avant de nous quitter ?
Salut Romain, peux-tu te présenter ?
Salut Nick_O, je suis un collectionneur de flipper et technophile depuis gamin. J’ai commencé par démonter tout ce qui me passait sous la main, par curiosité, sans toujours pouvoir remonter (ce qui agaçait sensiblement mes parents !).
Je travaille aujourd’hui dans l’électronique et la programmation en tant que consultant et une bonne partie de ce travail est justement dédiée aux flippers ! Je me rappelle d’un ami qui m’a présenté en tant qu’ingénieur en flipper, j’ai trouvé ça amusant 😊
Passons à notre question classique : quel est ton premier souvenir de flipper ?
Mon premier souvenir remonte à un weekend où mon papa m’a emmené à une vente aux enchères de flippers et juke-boxes « juste pour voir ». Ce soir-là nous sommes rentrés à la maison avec un Terminator 2 et un Addams Family. Les soirs et weekends suivants ils ont dû voir passer des centaines de parties. Il faut préciser que mon frère et moi avions besoin d’un marchepied pour voir la bille, donc on ne devait pas être bien vieux !
Un beau jour patatras, l’éjecteur du fauteuil du Addams ne fonctionne plus… J’ai pris le fer à souder et je me suis glissé… Dans le trou de la porte pour aller ressouder le fil cassé tout en me demandant « mais comment font les adultes ?? » ; plus tard, j’ai appris hahaha.
Les petites pannes s’enchaînant j’ai pu compter sur flipjuke pour m’aider à les réparer tout en apprenant petit à petit leur fonctionnement. J’étais fasciné !
As-tu des flippers chez toi ?
Alors, la place limitant je n’ai que le Black Knight 2000 chez moi. Mes autres machines sont dispersées comme le Addams et le T2 chez mes parents et les flippers suivant en stockage : Fathom, Twilight Zone ainsi que Full Throttle et Alien de Heighway.
Attaquons le plat de résistance : parlons de ton parcours professionnel. Ton début de carrière est orienté technique. Peux-tu nous expliquer ce qui t’as amené du côté obscur de la tech ?
J’ai eu la chance de pouvoir suivre des études qui collent à ma passion et obtenir un DUT puis un diplôme d’ingénieur en électronique. J’ai fait pas mal de robotique pendant mes années d’étudiant (dont le concours E=M6) puis j’ai travaillé dans la recherche pendant 2 ans. En 2007 j’ai lancé le projet PIN² (Pinball PC Interface) sur flipjuke et on a pu faire la démo du premier flipper contrôlé par un PC au salon de Chailly en 2008.
En 2013, tu es embauché chez le fabricant de flipper Heighway Pinball. Peux-tu nous raconter comment le recrutement s’est déroulé ?
J’ai rencontré Andrew Heighway pour la première fois au salon Flip-Expo au Tréport en mars 2013. Après sa présentation j’ai longuement discuté avec lui de son projet et il m’a dit qu’il cherchait des personnes pour rejoindre son équipe. Je venais de terminer mon CDD et je souhaitais partir travailler à l’étranger pour améliorer mon anglais, la coïncidence était trop belle. Je lui ai transmis mon CV et on a fait un entretien Skype dans les jours qui ont suivi où il m’a demandé « quand peux-tu commencer ? » ce à quoi j’ai répondu « lundi prochain ». C’est ainsi que je suis parti avec ma 206 et mes affaires au Pays de Galles !
Comment s’est passée ton arrivée et ton installation au Pays de Galles ?
Je suis arrivé par le ferry un dimanche pluvieux en Angleterre et j’ai conduit jusqu’à cette ville Galloise au nom imprononçable Merthyr Tydfil. Je n’avais pas de logement et j’ai dormi à l’hôtel la première semaine. Pour mon premier jour de travail, lundi 1er avril (oui, ça ne s’invente pas !) Andrew m’avait donné rendez-vous chez lui à 9h. J’ai sonné, encore et encore – pas de réponse au téléphone non plus. Vingt minutes plus tard il vient enfin m’ouvrir ; panne de réveil…
J’ai alors découvert le tout premier prototype du Full Throttle qui était à réparer car il avait subi un court-circuit. Les jours qui ont suivi ont été très chargés ! Deux semaines plus tard nous avons présenté le flipper en avant-première à Berlin où j’ai rencontré János Kiss pour la première fois qui deviendra mon collègue à Heighway et mon associé à Team Pinball par la suite.
Pour le logement j’ai trouvé une colocation chez une « Welsh lady » (une dame Galloise) chez qui je suis resté un an. Tout le monde parlant anglais j’avais exactement ce que j’étais venu chercher !
Quel était ton rôle chez Heighway ?
Mon rôle était multiple, Heighway était une startup et on était très peu d’employés. Lorsque je suis arrivé j’étais officiellement le premier employé et je travaillais au domicile d’Andrew. Mon rôle était « senior electronics engineer » ce qui signifie que j’avais en charge la conception du système électrique et électronique qui fait fonctionner le flipper. On voulait mettre toutes les nouvelles technologies comme les LEDs multi-couleur « RGB », des écrans LCD et la connectivité internet.
Durant les premiers mois j’ai assemblé et mis au point les prototypes de Full Throttle tout en concevant l’électronique et les mécanismes pour le jeu. Petit à petit l’équipe s’est agrandie avec un développeur à temps plein, un ingénieur en mécanique, une secrétaire, des techniciens, etc. Au bout d’un an on était plus d’une dizaine.
Rapidement tu es passé de Senior Electonics Engineer à Technical Director. Peut-on en conclure que ton intégration s’est bien passée ? Comment était l’ambiance au sein de l’équipe ?
Oui mon intégration s’est bien passée. L’équipe était internationale et tout le monde était enthousiaste, du moins pour un certain temps. La charge de travail était importante et la situation financière de Heighway était déjà tendue avec des salaires payés en retard. J’ai commencé à douter de la capacité de l’entreprise de mener le projet à bout et après un an j’ai remis ma démission. Andrew est revenu vers moi avec un changement de poste et des promesses. Le rôle de technical director était sa solution pour l’aider à résoudre ce qui n’allait pas. Cela m’a redonné confiance et j’ai continué à travailler sur Full Throttle, Alien et ce qui allait devenir Queen avant de partir après 3 ans dans la société.
En 2016, tu quittes Heighway Pinball, alors que l’entreprise ferme officiellement ses portes deux ans plus tard. Peux-tu nous expliquer les raisons de ton départ ?
Faire un flipper est compliqué, prend du temps et toujours plus d’argent que prévu. Les problèmes financiers ont continué de se succéder et la politique de l’entreprise se concentrait sur les préventes et les salons plutôt que la fabrication des flippers déjà vendus. Je ne voyais pas d’issue positive à ce projet et j’ai décidé de partir.
Sentais-tu venir la fermeture de Heighway Pinball ? Qu’est-ce qui n’allait pas ?
Il a fallu que je confronte mon déni de réalité (c’était mon travail de rêve ne l’oublions pas !) pour réaliser que l’entreprise et sa gestion allaient dans le mur. Andrew a toujours pu s’en sortir à la dernière minute. Il était peut-être trop optimiste quant à sa capacité à diriger une société, mais on disait toujours en rigolant que c’était le meilleur commercial du monde ! Et il l’a prouvé à de multiples reprises en trouvant de nouveaux investisseurs et de nouveaux distributeurs acceptant de verser un acompte pour maintenir l’entreprise à flot. Voyant l’histoire se répéter et la liste des investisseurs s’allonger, j’ai préféré me tourner vers d’autres horizons !
En 2016, tu rejoins Funtronic, qui reste dans le domaine du software et de l’électronique. Un job alimentaire ?
Pas du tout ! C’est tout simplement le début de mon activité en tant qu’ingénieur en flipper ! Je travaille notamment depuis 2016 avec les frères PinSound. Ce sont d’ailleurs eux qui m’ont convaincu de me lancer à mon compte et de faire du consulting ! J’ai en parallèle d’autres clients (dans les flippers mais pas que). J’aime beaucoup ce que je fais, être toujours à la pointe de la technologie que ce soit dans la qualité et le niveau technique des produits qu’on conçoit avec PinSound, ou sur les autres projets sur lesquels je travaille.
En 2018, en parallèle de ton activité chez Funtronic, tu fondes Team Pinball avec d’anciens collègues de Heighway Pinball. Quelle était votre ambition à l’époque ?
Notre ambition était simple : prouver qu’on pouvait faire un flipper sans arnaquer qui que ce soit ! Il faut rappeler le contexte : Heighway avait du retard dans les livraisons, John Popadiuk de Zidware prenait des précommandes et n’a livré que quelques Magic Girl et Kevin Kulek de Skit-B qui n’a jamais eu la licence pour son flipper Predator !
Mafia était en fait notre premier projet « perso » en tant que petite équipe (trois) avec nos fonds et à notre rythme. On a fait ça pour le fun et pour montrer de quoi on était capable ; une carte de visite en quelques sortes.
Vous sortez le flipper The Mafia. Quels étaient vos objectifs et penses-tu les avoir atteints ?
En juillet 2018 on annonce The Mafia grâce à Jonathan Jousten de Pinball Magazine et Martin Ayub de Pinball News. Personne dans le monde du flipper n’avait entendu parler de nous ou du projet et on arrive avec déjà 10 machines assemblées ! Du jamais vu !
Les 10 machines ont rapidement trouvé preneurs et on a décidé de ne pas en refaire pour nous concentrer sur la conception de machines pour d’autres et de devenir donc un studio de développement.
En 2021, Team Pinball commence à conclure des partenariats avec d’autres acteurs du flipper. Comment en êtes-vous arrivés à vous associer à d’autres ? Etait-ce prévu dès le départ ?
Oui. Faire un flipper est très difficile. Cela nécessite de nombreux talents, beaucoup de temps et d’efforts pour sa conception et la mise au point. Quand tout cela est accompli, on n’a qu’une ou plusieurs machines prototypes. La fabrication qui s’en suit est aussi difficile, certaines pièces sont moulées, d’autres sont usinées, soudées, découpées, peintes etc… Obtenir toutes les pièces, en quantité, et avec un niveau de qualité satisfaisant est très dur et on préfère laisser cette partie à d’autres !
On a fait le choix de se concentrer sur la partie amusante ; la conception du jeu ; en mettant notre expertise à la disposition de ceux qui veulent se lancer dans l’aventure !
Quelle est la répartition des rôles entre vous et Pedretti Gaming sur le kit Rudy’s Nightmare ?
Question très intéressante ! Team Pinball, et en particulier János, mon associé, s’est occupé du développement logiciel de Rudy’s Nightmare (NDLR : module créé pour le flipper FunHouse, qui le modernise grandement). Pour être plus précis, il a conçu et programmé les nouvelles règles, dirigé les animateurs, organisé les enregistrements des voix avec les acteurs, bref, tout le package !
De mon côté j’ai travaillé avec PinSound sur la conception d’une nouvelle carte audio/vidéo pour exécuter le code du jeu, jouer le son en qualité 2.1 et piloter les 2 écrans HDMI. Cette carte appelée « PinSound XL » fait partie du kit Funhouse Rudy’s Nightmare et du nouveau kit Whirlwind Total Chaos (NDLR : module pour le flipper Whirlwind)
Même question mais avec Pinball Adventures !
On s’est rencontré à la Chicago Pinball Expo en 2018, Andrew MacBain était très enthousiaste en voyant notre système basé sur le Raspberry Pi et une seule carte de contrôle : la RBoard. On a rapidement commencé à travailler sur des concepts de jeu qui ont débouché sur le Punny Factory. Team Pinball a conçu le plateau de Punny Factory et a assemblé et expédié 2 prototypes du jeu au Canada. On a collaboré sur les règles et János a créé le code du jeu. Nous avons continué avec le Flipper Elements pour lequel le français Luis Dos Santos a conçu le plateau, et qui maintenant travaille avec Hexa Pinball.
Récemment le fabricant français Hexa Pinball a annoncé ta contribution sur leur premier flipper Space Hunt. Peux-tu raconter votre rencontre ?
On a commencé à discuter du projet en janvier 2022 avec Alexandre Mak qui est lui aussi un passionné et qui voulait créer un flipper français ! Luis a rapidement rejoint le projet car il avait déjà fait son propre flipper homebrew : le Space Hunt. C’est une belle opportunité pour toute l’équipe et je suis très content de faire partie du projet. Mon rôle est celui d’ingénieur en électronique et de conseiller technique.
Sur quoi travailles-tu sur le Space Hunt concrètement ?
Je dessine les cartes électroniques du Space Hunt et en particulier celles situées sous le plateau afin de réduire au maximum le câblage pour faciliter l’assemblage et que l’intérieur soit le plus propre possible. Je conçois aussi les faisceaux et la carte d’alimentation qui régule les tensions et protège le flipper avec les fusibles.
Abordons l’avenir désormais. Quels sont les prochains projets de Team Pinball ?
Avec Team Pinball on va continuer à travailler sur les prochains titres et kits, parfois un peu dans l’ombre mais on ne le fait pas pour la gloire (sinon on ne ferait pas du flipper !).
Et toi, à titre personnel, quels sont tes projets ?
Alors moi par contre c’est la gloire ou rien du tout (hahaha !). Je suis très content de travailler avec PinSound et Hexa Pinball et j’espère que ça continuera. C’est à la fois fun et « challenging » comme on dit au ‘UK’. J’ai une chance inouïe de pouvoir vivre de ma passion et de partager ça avec la communauté ! 😊
Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Et bien, plein de multiball, des extraball et des special !
Merci Romain pour cet échange. Un dernier mot avant de nous quitter ?
Oui, hâte de venir sur les prochains salons pour découvrir les nouveautés et boire un verre avec les copains !