John Popadiuk | Designer de flippers

Quel personnage, chers amis Pinheads, quel personnage ! Oubliez la fausse modestie, John Popadiuk fait partie de ces fanfarons qui la ramènent tellement qu’on hésite à les qualifier de visionnaires incompris ou d’escrocs.

Le concepteur a de très belles références à son palmarès dans les années 90, mais semble vivre un enfer qui se répète depuis les années 2000, et ses clients avec lui. Lors de la chute du marché des années 2000, les designers qui ont inscrit leur noms dans l’histoire du flipper ont fait, pour la plupart, un choix de raison en intégrant Stern Pinball. Ils ont dû bien s’ennuyer pendant 10 ans, mais ils ont fait bouillir la marmite.

John, lui, est sorti des sentiers battus. Et ça n’a pas été payant pour lui ni pour le marché. Allez, on détaille tout ça, en commençant par le début.

Tout petit déjà, Popadiuk…

Tous les faits décrits dans ce paragraphe sont tirés d’interviews que John Popadiuk a données.

Durant son adolescence, John travaillait chez ce qui semble être un exploitant de Toronto, pour lequel il réparait des flippers. A l’âge de 19 ans, il écrivit à Norm Clark, un designer chez Bally. Ce qu’il raconte dans sa lettre n’est pas connu mais le gars l’invita à faire un tour dans l’usine. Au moment de le raccompagner à l’aéroport, Clark lui proposa, sur l’insistance de Popadiuk, un job chez le fabricant. « J’ai été utile [aux équipes de Bally] dès le premier jour », déclara notre John avec humilité…

Concrètement, il était technicien dans l’équipe du laboratoire de conception des plateaux. Le « whitewood lab », comme il l’appelle. Au passage, il évoque un fait intéressant : dans les années 70-80, les thèmes étaient choisis une fois les mécaniques de jeux définies et le plateau fonctionnel. La partie « hardware » intervenait plus tôt dans le déroulé du projet, et revêtait donc plus d’importance.

Qu’on n’aille pas nous dire qu’aujourd’hui les thèmes des flippers sont interchangeables. Ca, c’était avant. Maintenant, le plus souvent les fabricants négocient les licences et seulement ensuite pensent le plateau. Le thème est central de nos jours (et parfois le seul argument de vente), là où il était accessoire il y a 40 ans.

Bref, Popadiuk fit ses classes auprès des plus grands designers et ingénieurs, Bally étant à cette époque l’un des deux acteurs principaux, avec Gottlieb.

Le prototype Alice in Wonderland

Notre personnage resta un technicien durant cette période. Il se fit néanmoins la main sur un prototype qui n’a pas donné le jour à autre chose qu’une maquette grandeur nature.

On y voit quelques originalités, sans pour autant pouvoir dire si celles-ci viennent de lui ou de son complice Mike Hanley :

  • Un batteur en bas de l’outlane de gauche, censée sauver la bille in extremis ?
  • Des rampes dont l’arrivée paraît mal fichue, susceptibles de casser le flow voir coincer la bille
  • Une horloge sous le plateau, visible au travers d’une vitre, qui semble plus être un toy qu’un underplayfield

John a conservé durant des années cette fixette sur Alice au Pays des Merveille. Elle ressurgira plus tard dans ses projets, nous y reviendrons.

L’époque Bally/Williams : le tremplin pour Popadiuk

En 1988, Williams racheta Bally, et John suivit le mouvement. La fusion lui fut profitable car il devint game designer dans la foulée. Malheureusement pour lui, son premier projet, Ice Castle, n’atteignit jamais les lignes de production. Nous n’avons trouvé aucune image de la machine, et les raisons de son annulation en mai 1989 ne nous sont pas connues.

Il lui faudra attendre 5 années de plus pour que son premier VRAI flipper sorte : World Cup Soccer. Sans qu’on puisse le qualifier de table mythique, celle-ci reste appréciée : N°70 sur pinside, WCS se démarque par sa demi-sphère en forme de ballon qui tourne sur elle-même si rapidement qu’elle altère la trajectoire de la bille en cas de contact.

World Cup Soccer de Midway (filiale de WMS) – ce ballon est super, mais sous-exploité

Ajoutez à cela des cages de football en fond de plateau avec un gardien mobile devant, et pour finir un aimant placé juste au-dessus du batteur gauche. Vous avez alors la quintessence de ce flipper. Sympa, simple, code léger. Pas de quoi hurler au génie, mais tout à fait honorable.

De bons designers ou de bons techniciens chez Williams ?

Le plus souvent, les discussions au sein de l’équipe Pinball Mag. tournent autour des jouets que les uns et les autres s’achètent (« tu as vu mon mod de 0,5cm de haut acheté aux US pour 1000$ dont 900$ de frais de port ? »). Mais parfois, on discute de trucs intelligents.

Par exemple, il y a débat sur le réel génie des designers des années 90. Les vrais cadors pourraient être les techniciens et les codeurs, plus que les designers. Lors d’une interview en 2012, Popadiuk lui-même avouait ne plus savoir exactement qui était à l’origine d’une fonctionnalité de Tales of the Arabian Nights (TOTAN), même s’il était à peu près sûr que ce n’était pas lui. Il expliquait que le rôle de designer à cette époque ressemblait plutôt à celui d’un berger guidant son troupeau. Un chef de projet, si on dégonfle un peu le melon. Or, les chefs de projet n’ont pas besoin d’être les plus créatifs, mais les plus organisés et concentrés sur la cohérence d’ensemble. Et attentifs au respect du cahier des charges bien sûr, Bally/Williams n’était pas une société philanthropique.

Pour les succès de Popadiuk de cette époque, l’idée s’avère encore plus pertinente. De quoi se souvient-on de World Cup Soccer, TOTAN ou Theatre of Magic ? Respectivement du ballon comme expliqué ci-dessus, de la lampe magique et du Magic Trunk. L’agencement du plateau laisse parfois à désirer, comme cette lampe placée au centre du playfield sur Tales of the Arabian Nights et qui masque la plupart des objectifs depuis le batteur droit. Le gameplay sur WCS et ToM se résume un peu trop souvent à viser les cages du gardien ou le coffre magique. Et ce ballon est sympa mais sous-exploité.

Par ailleurs, quand on voit à quelle cadence les pinball designers sortaient leurs machines dans les années 90, ils ne pouvaient pas mettre autant leur pattes sur chaque aspect du gameplay qu’on souhaite le croire. On reviendra sur le rythme de Popadiuk un peu plus bas.

Ainsi, les toys, qui alliaient souvent audace et robustesse, et dans une moindre mesure le code, firent le charme des machines de la grande époque. C’était donc une affaire de technique et d’ingéniosité. Le but était d’user d’astuces pour ajouter de la magie au plateau, à moindre frais et en masquant les ficelles. La contrainte est fertile, comme on dit. Cela fait penser aux effets spéciaux du cinéma muet, vous ne trouvez pas ?

Les flippers de légende de Popadiuk

Nous avons fait un petit détour, revenons au cœur du sujet. Quels furent ces flippers qui justifient que John Popadiuk fasse partie du Hall of Fame des designers ?

  • World Cup Soccer, 1994, 8 743 unités produites
  • Theatre of Magic, 1995, 8 441 unités
  • Tales of the Arabian Nights, 1996, 3 128 unités
  • Cirqus Voltaire, 1997, 2 704 unités
Le Ring Master de Cirqus Voltaire qui sort du plateau et bloque la bille avec un aimant sur sa tête

Donc les jeux mémorables de Popadiuk ont été produits sur 4 ans, à un rythme effréné qu’aucun designer actuel ne saurait tenir. On est peu de choses hein ? Le gars a bossé toute sa vie et les succès qu’on lui attribue se concentrent sur une demi-décennie.

C’est déjà mieux que rien, rares sont ceux qui peuvent se vanter d’avoir conçu des objets iconiques. Et tout Pinhead quadragénaire a posé ses mains sur au moins une d’entre elles. Elles sont la quintessence de cette époque où les machines étaient conçues pour l’exploitation, où attirer l’œil du joueur comptait plus que lui faire tenir sa bille plus d’une minute.

Pinball 2000 : Star Wars Episode 1, The Phantom Menace

Au crépuscule de l’ère Bally/Williams, l’idée d’un flipper qui converge vers le jeu vidéo a germé : le pinball 2000. Le sujet méritera son propre article, mais retenez qu’il s’agissait d’un ordinateur, de son écran avec des effets de transparence plutôt malins, le tout dans la caisse et avec la partie électromécanique d’un flipper. Une vidéo vaut mieux qu’un long discours donc la voici. Le concept fut porté par George Gomez et Pat Lawlor, probablement les deux plus grands designers des années 90.

L’idée initiale de combiner un ordinateur et un flipper était en gestation chez Popadiuk. Mais ce concept comportait un problème de fond : les yeux ne peuvent pas être à la fois sur le moniteur et le plateau. Donc il s’agissait de deux gameplays juxtaposés plutôt que d’une expérience fluide et cohérente. Déporter la restitutions numérique sur le plateau fut l’idée de Gomez et de son ingénieur.

Revenge from Mars sortit 6 mois plus tôt que Star Wars. La machine de John a décliné le concept sans faire évoluer significativement la formule.

Ce fut néanmoins un succès commercial important pour l’époque, avec 5 100 unités produites, loin devant les scores de Monster Bash et Medieval Madness par exemple. Pinball 2000 n’a pas réussi à sauver le flipper pour autant, les coûts de production liés à l’ordinateur embarqué étant trop importants, mais surtout la stratégie de Williams n’était plus compatible avec une activité flipper fragile.

Aujourd’hui, ce flipper Star Wars n’a pas particulièrement la cote. La faute peut-être à la difficulté à remplacer les composants informatiques ?

Pour résumer, Pinball 2000 fut un événement important dans l’histoire du flipper, mais John Popadiuk n’en fut qu’un acteur secondaire.

Les années 2000 : la traversée du désert

Comme écrit en intro, beaucoup de personnages illustres de l’histoire du flipper ont eu une sacrée gueule de bois dans les années 2000. Les plus talentueux ou les plus pragmatiques ont rejoint Stern Pinball, seul fabricant important encore debout.

Ce ne fut pas le cas de notre Canadien, qui s’est senti une âme d’entrepreneur. Il se lança dans un business d’enseignes lumineuses, qui a vite périclité.

Il a surtout collaboré avez Zizzle, une boîte de jeux électroniques pour enfants créée en 2005 par Marc Rosenberg (le créateur de Furby !) et disparue en 2009. Zizzle réussit tout de même à acquérir les droits des licences Pirates des Caraïbes, Bob l’Eponge et Marvel.

Popadiuk conçut 6 machines dans ce cadre, qui n’ont rien de mémorable. Un jouet est souvent plus simple, plus léger, plus petit que sa version pour adulte, c’est entendu et compréhensible. On ne peut pas juger cet objet avec les mêmes critères que pour un flipper de bar.

Mais les possesseurs des mini-flippers Zizzle ont reproché une fabrication au rabais et une musique répétitive qu’on ne peut pas éteindre. Le code était léger, rien d’étonnant à cela. En revanche l’agencement des playfields démontrait que Popadiuk savait encore concevoir un plateau, avec des contraintes bien évidemment très différentes d’un flipper grandeur nature.

Après la fermeture de Zizzle, John développa 2 jeux vidéos sur iOS : Pinball Scrapbook et Pinball Wizard, dont nous n’avons retrouvé aucune trace.

Zidware : un fabricant pour une élite

La réputation valait à Popadiuk d’être sollicité par des Pinheads fortunés, afin qu’il conçoive de nouvelles machines destinées à un public de particuliers triés sur le volet. Les autres designers devaient recevoir le même type de propositions, mais lui était disponible.

Le chant des sirènes l’a convaincu de fonder en 2011 sa propre entreprise, Zidware, à la fois conceptrice et fabricante de flippers. Le business plan initial était simple et fut annoncé dès la création de la société : commercialiser des flippers en série très limitée, à des tarifs visant uniquement les collectionneurs.

C’est sur ce terreau que naquit Magic Girl.

Magic Girl, une belle promesse

Certains y voient une parenté avec Theatre of Magic, mais hormis le thème et parfois la bande-son, le plateau se démarque tout de même beaucoup dans son agencement, par la présence d’un mini-plateau et d’un écran en fond de caisse. Le thème étant similaire, on retrouve néanmoins des éléments qui rappellent la filiation : des lapins, un coffre, un félin… Mais une lampe magique qui rappelle plutôt Tales of the Arabian Nights et un génie vert Cirqus Voltaire ! Pinballboy le résume ainsi : Magic Girl est le fruit d’une nuit d’amour entre ces 3 flippers. Bien trouvé !

A peine sa société Zidware créée, Popadiuk annonça la production de ce flipper, au prix hallucinant de 16 000$, à une époque où les machines de Stern Pinball ne dépassaient pas 6 000$ ! La production devait être ultra limitée, moins de 10 exemplaires, bien que le nombre ne cessa ensuite d’augmenter. Devant l’afflux de pré-commandes, John P. ne put s’empêcher d’ouvrir un peu les vannes. En effet, pour réserver une machine, il fallait verser un acompte, preuve du sérieux de l’intention.

Quelques semaines après le lancement commercial, Popadiuk annonçait un vingtaine de précommandes finalisées, et une centaine de demandes potentielles. A cette époque, cet engouement de la part de gens prêts à payer les yeux fermés était inédit.

Les acomptes ne pouvaient pas vraiment couvrir les frais de conception et fabrication, mais ils faisaient miroiter que la partie R&D serait assise sur plus d’unités, et donc mieux rentabilisée. En vendant 100 flippers, Zidware allait toucher 1,6 millions de dollars.

Cependant, vous payez combien de salariés pendant combien de temps avec cette somme ? En réalité, pas tant de personnes que cela, et pendant peu de temps, au regard des compétences et du matériel qu’il faut réunir. Avec le recul, au bout d’un an sans livraison de machines, et en l’absence d’investisseurs aux reins solides, un analyste sérieux aurait probablement alerté sur le caractère hasardeux de l’aventure.

Et la machine s’emballe

L’année 2011 ne fut pas terminée, aucun Magic Girl livré, que Popadiuk annonçait un partenariat avec Ben Heck, un touche-à-tout qu’on retrouvera dans l’aventure Spooky Pinball un peu plus tard. Ben Heck’s Zombie Adventureland pointe donc le bout de son nez, à 10 000$, 99 unités pour le marché des particuliers, 25 pour l’exploitation.

Mais la collaboration tourna rapidement court, Ben Heck expliquant par la suite que celle-ci n’était fondée sur aucun contrat signé, et que son intervention s’était limitée à quelques séances de brainstorm. La machine fut rebaptisée Retro Atomic Zombie Adventureland. Elle aussi n’a pas fini de faire parler d’elle. Ben Heck, quant à lui, devint un détracteur officiel de Popadiuk.

En 2013, aucune machine n’avait été livrée mais John, qui ne doutait de rien, lançait Alice in Wonderland. La revoilà, sa marotte de jeunesse ! On gagne un degré de plus en abstraction car les fans n’ont eu que quelques artworks et un flyer pour se positionner.

Mais ce n’est pas tout ! En 2014 il déclarait également travailler sur un design basé sur le groupe Kiss, en espérant que son ébauche attire l’oeil des ayants-droits. Et il disait réfléchir à d’autres concepts.

On peut le dire : notre homme avait perdu pied, en s’investissant dans des projets prématurés, et pire, en communiquant dessus. L’attitude des clients qui avaient versé les acomptes oscillaient entre la colère et l’inquiétude. Ses tentatives pour rassurer, notamment via le biais d’un blog informant de l’avancée des travaux, furent dérisoires ou maladroites.

La fin de Zidware

Ce qui devait arriver arriva : en mai 2015, Popadiuk annonça qu’il n’avait plus de cash et ne pouvait donc pas finaliser ses prototypes de Magic Girl, encore moins les fabriquer. Il disait que le seul espoir pour sauver Zidware aurait été qu’un investisseur millionnaire vienne à sa rescousse.

Mais les esprits lucides ont vite compris qu’en plus de ressources financières, il aurait fallu un vrai gestionnaire et reléguer notre designer à son métier initial. Qui plus est, le sauveteur aurait eu des airs de mécène, car l’affaire était si mal embarquée qu’elle n’aurait pas pu redevenir rentable.

Plus tard Popadiuk déclara qu’il était désolé d’être un mauvais businessman. C’est ce qui s’appelle faire un faux aveu. En disant cela, il se replace dans son statut de génie incompris.

Néanmoins, il avoua à demi-mot avoir sous-estimé l’importance de l’équipe qui gravitait autour de lui du temps de Bally/Williams, et se chargeait de transformer ses idées en vrais produits qui partent vraiment chez les clients.

Par ailleurs, l’ampleur de la catastrophe industrielle finit d’éclater au grand jour lorsqu’un regroupement de fans tenta de finaliser le flipper Magic Girl. Après une évaluation sérieuse mais néanmoins rapide, le meneur de la bande annonça en juin 2015 que l’effort et les montants nécessaires étaient trop importants. Manifestement, Popadiuk avait survendu le niveau de finalisation de sa machine.

Pour finir, un collectif d’acheteurs attaqua en justice le couple Popadiuk, pour récupérer leurs précommandes.

La tentative de sauvetage par American Pinball

En 2016, Dhaval Vasani était un industriel averti quand il se lança dans le flipper en montant American Pinball. L’alliance avec Popadiuk paraissait donc pertinente. Le designer devait concevoir un flipper pour le nouveau fabricant, tandis que le manufacturier usinerait les Magic Girl que Popadiuk devait aux plaignants.

Houdini « Master of Mystery » d’American Pinball – sans Popadiuk

La nouvelle machine devait être sous licence Houdini, le prestidigitateur (encore de la magie!) et Popadiuk s’attela à la tâche. En parallèle, American Pinball délivra quelques machines aux clients de Zidware, en privilégiant ceux qui avaient porté plainte. Elles furent accompagnées d’une note indiquant que les produits étaient conformes aux spécifications du designer, sous-entendu « si ça ne marche pas, ce n’est pas de notre faute » ! Une précaution utile, puisque les flippers n’étaient clairement pas fonctionnels.

L’accord ne fit pas long feu : le design du Houdini ressemblait manifestement à un Magic Girl du pauvre, inachevé qui plus est. Vasani arrêta les frais et repartit d’une feuille blanche pour produire finalement Houdini Master of Mystery.

Le plus étonnant dans cet épisode, c’est qu’American Pinball se remit de ce début difficile et poursuivit son petit bonhomme de chemin. Comme quoi, n’écoutez pas ceux qui crachent sur les businessmen, car sans eux il n’y aurait que des prototypes tout pétés.

La débâcle avec deeproot

En 2017, John Popadiuk s’associa avec un beau parleur du nom de Robert J. Mueller, un conseiller en investissement. Celui-ci n’avait pas mis un pied dans le secteur du flipper qu’il promettait de révolutionner le marché.

Le but était de reprendre la production des 3 licences en péril de Zidware, en commençant par Retro Atomic Zombie Adventureland. Et tout le monde a failli y croire, même chez Pinball Mag (cf notre article sur la présentation du RAZA). Mais le temps passant, les retards continuaient de s’accumuler. La pandémie qui se propagea en 2020 accorda le bénéfice du doute à la jeune société deeproot, qui avait trouvé là une excuse toute prête pour justifier ses derniers décalages.

A l’été 2021, la cour fédérale de San Antonio sonna la fin de la récré : elle assigna Mueller en justice, pour avoir détourné les investissements qui lui étaient confiés dans le cadre de ses activités de conseil. Il finançait ainsi ses mariages, ses divorces, ses vacances, les études de sa fille… Et deeproot pinball !

Pour parachever la malhonnêteté, Mueller employait la technique de la « pyramide de Ponzi » : rétribuer ses clients les plus anciens avec l’argent des nouveaux, en tablant sur une croissance constante de sa clientèle.

Encore une fois malheureusement, les prototypes présentés fin 2020 n’étaient qu’un écran de fumée, qui masquait le fait qu’aucune production n’avait été démarrée. Le verdict du tribunal n’est, à ce jour, pas rendu.

La responsabilité de John Popadiuk dans l’affaire deeproot

Le designer n’est pas mis en cause dans les affaires de détournement, qui dépassent le cadre de deeproot pinball. Mais on ne peut s’empêcher de se demander comment l’équipe qui œuvrait chez le fabricant pouvait ignorer qu’aucune réelle production n’était lancée. Voici ce qu’il restait lors des ventes aux enchères de l’équipement de deeproot début 2022 : quelques machines industrielles, quelques pièces, un seul prototype, le tout beaucoup trop neuf pour laisser croire que des gens ont réellement travaillé ici pendant autant d’années.

Mais témoin ne veut pas dire complice pour autant. Popadiuk avait-il vraiment le choix ? Avec son passif, pouvait-il se permettre de dénoncer l’homme qui lui avait tendu la main ?

John Popadiuk : un bilan mitigé

J’adore les euphémismes comme ce titre !

Clairement John Popadiuk a créé quelques belles machines dans les années 90, encore appréciées aujourd’hui. Néanmoins, il était entouré d’une équipe ultra compétente et nombreuse, financée par un nombre de ventes confortable et un rythme soutenu de commercialisation.

En dehors de ce cadre très précis et qui ne se reproduira probablement jamais, le designer n’a pas eu l’étoffe d’un patron d’entreprise, et a manifesté probablement trop d’ego pour faire des choix raisonnables quand il était encore temps.

Mais le discernement n’est pas son fort, car il a tenté d’attaquer les plaignants pour leur réclamer 100 000$. Le juge l’a débouté.

Bref… Gardons précieusement en tête ces 4 années de gloire où il enchaîna les succès et tirons quelques leçons de la suite de l’histoire :

  • Avoir du respect pour les manufacturiers qui tiennent leurs engagements
  • Ne jamais, non jamais, verser de l’argent pour une précommande à l’aveugle, qui plus est auprès de nouveaux acteurs
  • Se méfier des acteurs du secteur qui promettent la Lune, alors qu’ils n’ont encore rien démontré
  • Ne pas oublier que concevoir et délivrer un produit est un effort collectif. Aucun homme, sur son seul nom, ne peut faire office de garantie
  • Pour finir, applaudissons ce duo qui a réussi à finaliser le flipper Magic Girl

Si la machine finalisée vous intéresse, notre petit doigt nous dit qu’il vous faudra débourser 54 000€… Comme quoi l’aura de John Popadiuk a encore une valeur.

Sources de l’article sur John Popadiuk

Pour rédiger cet article, on a retourné Internet dans tous les sens. Voici les sources principales si vous voulez vous faire votre propre opinion.

Nick_O
Nick_Ohttps://pinballmag.fr
Collector of friends who have pinball collections.

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