Joris Bartkowski | Modder du flipper Indiana Jones

Les p’tits Pinheads ! Quand on vous dit qu’en France on a pas de quoi rougir face au pays numéro un mondial du flipper, à savoir les Etats-Unis, c’est de ce genre de chose dont on veut vous parler : des initiatives personnelles, brillantes et exécutées d’une main de maître !

Alors oui, on y va pas de main morte, mais ce que vous allez voir (et lire aussi) vaut une telle introduction !

D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le dire car ce petit frenchie, Joris pour ne pas le nommer, est nominé (Attention ! Boom ! Figure de style entre l’épiphore et l’anaphore pour les plus attentifs !) dans les finalistes pour les Twipy awards !!! Bon, accessoirement, nous aussi dans trois catégories donc c’est le moment d’aller voter car il ne vous reste que peu de jours…

Donc, c’est avec fierté que nous les français, une fois n’est pas coutume de le rappeler, qui sommes à l’origine du flipper (cf: le quizz de l’épisode 8 de la deuxième saison de Ze Pinball Podcast) avons autant de nominations aux Twipy awards !

Mais revenons à nos moutons ! Ici on va vous parler de mod. Mais pas de n’importe quel mod ! Oui, on sait, vous avez l’habitude que lorsqu’on vous parle de mod on vous parle d’une petite babiole que l’on place sur un plateau. Et bien là, c’est le flipper tout entier qui est LE mod !

Vous n’en croyez pas un mot ? Alors laissez-nous vous montrer…

Sommaire

Pinball Mag. : Bonjour Joris et merci d’accepter cette petite interview à propos de ton mod, qui, disons le tout de suite, est fabuleux ! Tout d’abord, peux-tu rapidement te présenter en quelques mots ?

Bonjour à tous, je m’appelle Joris Bartkowski. J’ai 32 ans et j’habite juste à coté de Clermont-Ferrand dans le Puy de Dôme. Je me suis lancé dans le flipper il y a maintenant 7 ou 8 ans.

Aujourd’hui, j’exerce le métier de menuisier que j’ai appris auprès des compagnons. Mais avant j’ai été diplômé de biologie.

Quand j’ai découvert l’univers du flipper, j’ai réalisé que ce hobby pouvait m’offrir une multitude de possibilités pour m’épanouir dans mes compétences. Et comme j’ai constamment pleins de projets en tête, je me suis focalisé à les développer autour des machines.

Pinball Mag. : Peux-tu nous expliquer un peu la genèse de ton projet ? Qu’est-ce qui t’a donné l’idée de le faire ?

Tout a commencé avec l’acquisition de mon Indiana Jones glané dans le sud de France. Je dois vous avouer qu’en tant que gros fan de la saga, j’étais tombé sur le Saint Graal : la caisse était dans son jus et le plateau était plutôt correct mais il y avait quand même du travail pour le rénover. Malheureusement les pannes se sont vite accumulées…

Flipper Indiana Jones Williams
Un flipper Indiana Jones, pas dans son jus du tout
La fameuse version du Indiana Jones de Disneyland

Un jour, j’ai vu cette fameuse version du Indy circuler sur le net. Il était en exploitation au parc Disney de Los Angeles. J’ai regardé les photos et je me suis dit : « Wahou c’est à ça que doit ressembler un Indy ! L’utilisation du bois, son look vintage, sale et usé, ainsi que son coté aventure avec les bambous collent parfaitement au thème ! J’ai gardé cette idée dans un coin de ma tête.

Pinball Mag. : A quel moment tu t’es dit : « ok c’est parti, je me lance ! »

Avec les pannes successives, j’ai commencé à mettre les mains dans ma machine et à y investir des sommes folles en réparations !

Voyant cela, je me suis posé la question « ok on fait quoi de la caisse ? Le classique de reposer des décals neufs et de le passer en full gold ? ». C’est à ce moment là que le souvenir de Disney a resurgi et l’idée était lancée !

Quitte à investir des milliers d’euros et passer des dizaines d’heure autant y aller jusqu’au bout et faire ce que personne ou presque n’avait fait !

Pinball Mag. : Tu as commencé par quoi ? Le fronton ou la caisse ?

La réalité c’est qu’on ne se lance pas là-dedans en avançant au jour le jour et en se demandant « tiens, comment je vais gérer ça demain et après demain… ». La quantité de travail est énorme, mais ce que l’on voit ce n’est que la partie émergée de l’iceberg alors pour répondre je dirais simplement : aucun des deux bien sûr !!

Le projet a donc commencé par une très longue période d’étude, il est important d’anticiper toutes les étapes de la fabrication du début à la fin pour ne pas laisser de place au hasard et donc à l’échec technique ou visuel.

Cela m’a demandé 4 mois d’étude, ce qui inclut le dessin technique détaillé de la caisse et de tous les éléments y compris des peintures, le choix des matériaux utilisés, le choix des couleurs et le processus complet de finition de la caisse (qui comporte quand même 8 étapes), l’établissement de listes de toutes les fournitures nécessaires, l’étude de solutions techniques et j’en passe…

Pinball Mag. : Y-a-t-il des choses que tu as modifiées par rapport au flipper de Disney sur lequel repose ton inspiration ?

Je pense que l’on peut dire sans honte que c’est une copie et non une simple inspiration. L’idée était de rester le plus fidèle possible à cette merveilleuse création, j’assume parfaitement cette position !

Toutefois, la seule réelle modification que j’ai apportée c’est la suppression des charnières de backbox traditionnelles que l’on trouve sur quasiment l’intégralité de tous les flippers proposés aujourd’hui.

En effet, les charnières étaient cachées par les deux « oreilles » rajoutées sur la caisse, et elles ne fonctionnent tout simplement pas ! Impossible d’avoir la bonne rotation avec un repli complet du fronton sans modifier leur implantation sur la caisse et la backbox.

Les charnières très discrètes de l’Indiana Jones moddé

Cela n’a l’air de rien mais j’ai passé plusieurs jours a éplucher mes catalogues fournisseurs de quincaillerie pour trouver une solution alternative pour en arriver à des charnières d’apparence toute bête. Mais croyez-moi, ce n’étais pas si évident !

Après, dans l’absolu, il doit y avoir des différences car je me suis basé uniquement sur 5 ou 6 photos mal prises de l’original et rien d’autre !

Pinball Mag. : Quels sont les matériaux utilisés pour sa réalisation ?

C’est une question intéressante car de ce choix découle déjà la réussite ou l’échec du projet avant même de commencer.

Pour les parties non visibles, j’ai opté pour du Valchromat Noir, c’est à peu près la même chose que du MDF (medium density fiber board) mais en beaucoup plus dense et teinté dans la masse. Ce sont des panneaux de grande qualité et esthétiquement très beaux.

Pour les parties visibles j’ai choisi le chêne, c’est ce bois qui est utilisé sur l’exemplaire de Disney et il aurait été impossible d’avoir le même rendu en choisissant quoi que ce soit d’autre.

Le chêne a été traité de deux manières, en panneaux pour former la structure de la caisse et de la backbox avec l’utilisation de panneau de latté plaqués chêne massif (encore une fois les panneaux lattés sont d’une grande qualité et stabilité avec un placage de premier choix).

Pour toutes les parties rapportées sur la caisse (moulures, habillages des sides rails, lockbar etc…) c’est tout simplement du chêne massif qui a été utilisé.

On peut également aller plus loin avec les techniques d’assemblage, les colles, vis utilisées mais je pense que l’on va trop loin dans le technique pour nos passionnés de flipper, mais globalement tous les matériaux, vernis, peinture, quincailleries sont des produits professionnels hauts de gamme.

Pinball Mag. : Il y a un gros travail de peinture qui a été réalisé. Avais-tu déjà des notions ou ton travail est-il empirique et autodidacte ?

Encore une fois c’est l’étude préliminaire qui m’a facilité la tâche ! J’ai pris la décision de travailler avec des pochoirs que j’ai dessiné en CAO ( NDLR : Conception Assistée par Ordinateur), c’était pour moi le seul moyen d’avoir la symétrie sur chacune des faces de la caisse. Finalement l’application n’est pas d’une grande technicité. En revanche, c’est très long car c’est entièrement fait au pinceau et il faut compter environ 20h par coté et des tonnes de scotch papier.

Quelles sont les difficultés techniques que tu as rencontré au cours de ton projet ?

Je n’ai pas rencontré de difficultés particulières au cours du projet car tous les problèmes potentiels ont été identifiés et solutionnés durant l’étude préliminaire.

Pinball Mag. : Qu’est-ce qui t’a posé le plus de problème ?

Le plus compliqué ça a été de déterminer le processus de finition du flipper.

En effet, obtenir un effet vieilli/vintage et usé en partant de quelque chose de neuf est paradoxalement très difficile, les solutions sont nombreuses mais ne donnent pas toutes le résultat escompté. Beaucoup d’essais ont été réalisés. J’en profite pour remercier mon ami Jonathan, ancien carrossier, qui m’a bien aidé sur ce coup !

Le choix de la technique pour réaliser le dessin a été aussi très compliqué, les solutions étaient nombreuses ( pistolet, pinceau a main levée, pochoir autocollant, pochoir rigide, sérigraphie etc…).

Et je profite une nouvelle fois de cette interview pour remercier Yann de Flipperled.com qui m’a été d’un grand secours pour mes pochoirs et enfin Ludovic Michel de Neoretropinball pour la partie électronique du flipper.

Pinball Mag. : Au total, combien de temps a-t-il fallu pour terminer cette entreprise ?

Le projet complet a duré plus d’un an. Cette durée est à relativiser : j’ai une vie de famille, un travail et pas d’atelier dédié pour travailler correctement. En revanche je tiens à vous dire que j’ai passé les pires deux semaines de congés d’août de ma vie. J’ai failli faire une dépression (et un divorce) tellement j’ai travaillé dessus !

Pinball Mag. : Tu as partagé les avancées de ton mod sur le site américain Pinside, quel fut l’accueil réservé par la communauté Pinhead américaine ?

Effectivement, mon projet a été partagé sur pinside.com et également sur le coin germanique avec le forum de flippermarkt.de. Cependant le projet a été partagé très tardivement, une raison simple à cela, je ne voulais tout simplement pas que quelqu’un avec de plus gros moyens techniques ne me double dans mon projet.

Lorsque j’ai commencé, je n’étais pas vraiment confiant sur son accueil par la communauté.

En effet, s’attaquer au Saint-Graal du flipper, pour le dénaturer entièrement, on est en droit de s’attendre à quelques critiques des puristes… Mais il n’en fut rien, je dirais que j’ai eu 99% de retours incroyablement élogieux aux US, et 95% en Allemagne. Vraiment je ne m’attendais pas à en recevoir autant et surtout aussi beaux et incroyables!

Pinball Mag. : Tu as décidé ensuite de le partager avec les Pinheads français, l’accueil réservé en France fut-il identique ?

En ce qui concerne notre beau pays, c’est plus difficile à dire… En effet, à l’origine, je n’ai jamais rien partagé en France. Mon projet est sorti sur les groupes facebook suite à une moquerie concernant son prix de vente trouvé sur collectionneurdeflipper par l’un des membres.

C’est pour cette raison que je n’avais jamais rien partagé en France…

J’ai alors fais un peu de pédagogie autour du projet afin de rétablir la réalité des choses et calmer les rageux. A l’évidence le flipper a ensuite été très bien accueilli. J’ai reçu beaucoup de messages, d’intérêt, de félicitations etc… En revanche, dès que l’on parle de prix, ici, on a un problème, Hahaha !

Pinball Mag. : Si un Pinhead est intéressé par ton mod, peut-il te contacter pour que tu lui en fasses un ? Si oui quelle somme doit-il prévoir ?

Plusieurs personnes ont porté un vif intérêt à l’achat de ce flipper, notamment Chris Kooluris (aka Kaneda pinball podcast) avec la condition de limiter mon run aux deux caisses produites. Malheureusement, il a été doublé dans son initiative par un autre américain.

Dans le principe il existe deux caisses numérotées et estampillées de cet Indy et je ne prévois pas pour le moment d’en faire d’autres car cela représente une somme de travail colossale.

Toutefois, il n’est pas exclu que cela se refasse un jour, mais pour l’instant c’est non.

Concernant le prix , il faut compter grossièrement le prix d’un LE pour une caisse vide prête à swap (NDLR : changement de plateau d’un flipper à un autre flipper).

On paye le nombre d’heures de travail, mais aussi l’investissement, le savoir-faire et enfin la rareté de la chose ! Un must have pour tout fan de la saga Indiana Jones !

Le flipper Indiana Jones moddé de Joris bien, en pied

Pinball Mag. : Tout comme Pinball Mag., tu as été nominé aux Twipy Awards pour ton travail. Est-ce que tu t’y attendais ou bien est-ce une surprise pour toi ?

Et bien cela a été une agréable nouvelle !

Mais pour être honnête, on ne peut pas dire que c’était une grande surprise : j’ai essayé de tout mettre en œuvre pour faire le maximum de communication autour et visiblement, cela a porté ses fruits !

J’espère maintenant remporter ce Twipy, cela serait une magnifique consécration pour mon travail, mais aussi pour représenter la France outre-Atlantique !

De plus, cela me ferait vraiment, vraiment, plaisir pour mes deux acheteurs de pouvoir leur dire, « les gars vous avez les deux exemplaires d’un mod qui a remporté les twipys ! Bravo ». Vraiment, j’aimerais leur offrir cela !

Et enfin, dernière question : Pose toi une question que je n’ai pas posée mais que tu aurais aimé que je te pose !

Ce n’est pas vraiment une question, mais je souhaiterais revenir sur Chris Kooluris aka kaneda de pinball podcast, multiple vainqueur des twipys et donc concurrent direct pour vous !

Chris a parlé assez longuement (une dizaine de minutes peut être) de ce projet dans son podcast sur Chicago Gaming. J’ai beaucoup aimé la manière dont il a utilisé mon projet pour amener les fabricants à se remettre en question. Il leur a globalement dit :

« Hey les gars ! C’est ça qu’on attend d’un Collector édition ou d’un vrai Limited édition : un chef d’œuvre ! Arrêtez de coller un artwork différent, un toy en plus, des body armor laqués et trois plastiques imprimés. C’est ça qu’on attend aujourd’hui des fabricants ! De vraies pièces de collections. »

J’ai trouvé son analyse intéressante et son désir de faire changer les choses dans ce milieu qui reste avant tout un business pour beaucoup des grands fabricants actuels.

Mon petit rêve maintenant ?

Si Chicago Gaming Company venait à nous faire un remake de l’Indy, j’adorerais qu’il me contacte pour bosser sur un Collector’s edition digne de ce nom avec eux !

Pinball Mag. : Je te remercie pour cette interview !

Merci pour tout Pinball Mag., c’est avec grand plaisir et à bientôt !

Lazarus
Lazarushttps://pinball-mag.com
Fondateur de Pinball Mag. | Collectionneur de flipper | Low Score Pinball Wizard

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