Certains joueurs s’étonnent que, dans le cadre des classements de notre league Enhancer, les tournois sur le jeu vidéo Pinball FX rapportent autant de points que les tournois sur flippers physiques. Cette remarque, agrégée à d’autres entendues au fil des ans, m’a donné l’idée de cet article.
Dans le flipper, comme dans tous les loisirs, des élitistes vous expliquent que votre pratique n’en vaut pas une autre. Si vous n’êtes pas du sérail, vous pouvez passer à côté de ces conventions, et être conspué sans comprendre pourquoi. Ce serait dommage, non ? Alors les voici décryptées pour vous.
A la fin, vous continuerez à jouer comme il vous plaît, parce qu’en vrai on s’en tamponne le coquillard… Mais un Pinhead averti en vaut deux ! La suite de ce texte vous permettra de détecter rapidement les artistocrates et couper court aux discussions oiseuses pour retourner vous amuser.
Sommaire
Mais mon cher, mon enfance vaut mieux que la vôtre, voyons !
Le flipper moderne a une histoire qui s’étale sur plus de cent ans, avec des époques, des évolutions technologiques majeures. Si vous voulez en savoir plus, lisez cet article sur les différentes générations de flippers. Il est logique que l’appréciation d’une machine dépende de sa date de fabrication. Vous ne jouerez pas de la même façon à un flipper des années 1960 et à un flipper sorti le mois dernier, même si la philosophie reste globalement la même.
Mais souvent, l’appréciation d’un Pinhead relève plus de l’irrationnel que de la simple différence technique. Elle tient à la nostalgie : la découverte du flipper se fait le plus souvent dans l’enfance, voir dans l’adolescence. Beaucoup continuent d’apprécier les flippers qu’ils ont connus dans leur jeunesse. Ils vont parer de toutes les vertus les machines de l’époque et essayer de vous expliquer pourquoi les plus récentes sont moins bien.
Et ils mettent du cœur à débiner les pinballs des années d’après ! Voici quelques exemples d’arguments qui vous seront assénés :
- A l’époque, les flippers étaient plus solides
- Les plateaux d’aujourd’hui sont vides par rapport à avant
- Il n’y a plus d’innovation, les fabricants utilisent juste des licences pour vendre leurs merdes.
Si quelqu’un vous tient ce discours, n’allez pas le contredire ! Sinon vous êtes parti(e) pour des heures de comparatif sur l’épaisseur des plateaux, sur la réparabilité des composants, sur des comparaisons sans fin visant à prouver que tout ce qui est fait aujourd’hui a déjà été inventé hier… Une purge, épargnez-vous ces monologues, dites “oui oui” et cassez-vous !
S’il y a toujours une part de vérité dans ces arguments, il s’agit avant tout de rationalisation a posteriori : on cherche à expliquer avec des arguments rationnels ce qu’on a décidé de croire parce que ça nous arrange.
Les flippers : des plus nobles aux pouilleux
Nous voici dans le paragraphe marrant de cet article (en tout cas, moi ça me fait rire). Quelles machines octroient des titres de noblesse ? Lesquelles vous marquent du sceau de l’infamie ? Devant quels propriétaires fait-on la courbette ? Auxquels crache-t-on au visage ? Allez, je ne vous fais pas plus languir.
Les flippers des grands ducs : les Bally-Williams des années 1990
Alors là, on est sur le haut du panier, la crème de la crème ! Le respect est acquis d’office à un possesseur d’une machine de cette époque, surtout si celle-ci fait partie des musts que vous retrouverez dans cet article.

Attention toutefois, en tant que propriétaire d’un bijou de collection, il est attendu de vous un entretien irréprochable. Sans quoi vous serez qualifié(e) de décadent qui ne sait même pas ce qu’il a entre les mains !
La raison de cette adulation est simple : les années 90 représentent l’âge d’or des salles d’arcade et des flippers dans les cafés, toutes les personnes nées avant cette décennie ont tapé la bille sur un flipper Bally ou Williams durant leur enfance. Et le gros du contingent actuel de joueurs est formé d’hommes nés entre 1960 et 1990.
Ne me faites pas écrire ce que je n’ai pas écrit : beaucoup de machines de l’époque restent formidables aujourd’hui. Mais de là à en faire une référence insurpassable ? Sérieusement ?
Les flippers des comtes et barons : les Bally et Gottlieb de 1975 à 1990
Respect aux aînés ! Nul n’osera critiquer une de ces antiquités, même si, en réalité, beaucoup passeront devant sans y jouer dans les salons (hé hé, oui je vous vois).
Même si le gameplay reste souvent limité, ces pinballs marquent l’avènement du flipper moderne. Et il faut reconnaitre que certains frontons sont des œuvres d’art.

Je ne parle même pas des machines électromécaniques encore plus anciennes, qui ont le fun d’une horloge comtoise. De beaux objets néanmoins, si on aime le style rétro façon happy days.
Les flippers de la bourgeoisie : Stern et compagnie
“Le flipper du nouveau riche, voilà ce que c’est, un Stern ! Le pinball de celui qui se croit amateur mais qui achète comme un mouton des licences Star Wars et Marvel. Manque d’originalité, manque de classe.
Alors oui, hein, ça joue bien, c’est consensuel, c’est comme un vin chilien ou un film Avengers, c’est conçu pour plaire à tout le monde, c’est calibré… Non, le vrai amateur ne s’autorisera pas cette faute de goût, tout au plus s’autorisera-t-il un Jersey Jack Pinball, qui a le mérite de proposer une expérience originale…”

Voilà en synthèse l’avis du puriste. L’attitude oscillera entre la jalousie (parce que c’est cool quand même, un Stern) et le mépris (parce que c’est ce que le flipper fait de plus grand public, donc pour les newbies).
Les flippers des petits artisans : les pincabs
Les possesseurs de pincab n’appartiennent pas au même monde. Rangeons-les dans la catégorie des bricoleurs, des alchimistes qui essayent de transformer le plomb (un vulgaire ordinateur) en or (un vrai flipper).
Leurs tentatives pour reproduire les sensations du flipper sont vouées à l’échec, mais ont un côté rafraîchissant, cocasse. Qu’ils nous divertissent, ces bidouilleurs avec leurs problèmes de latence et leurs potentiomètres mal calibrés !

Les gueux du flipper jouent à Pinball FX
Ne pas avoir de machine à la maison, passe encore, puisqu’il s’agit de la majorité de la population mondiale. Mais prendre du plaisir sur un jeu vidéo de flipper, sur console en plus ? L’hérésie ! C’est comme mettre du ketchup sur son foie gras et des glaçons dans son Saint-Emilion, c’est pour les incultes.
Je vous en conjure, cachez ce penchant honteux en public. Mangez vos crottes de nez, tiens, ça passe mieux en société ! Vous ne voyez donc pas que la physique de la bille est nulle ?

Article à consommer avec modération
Cher lecteur, chère lectrice, je vous ai donc exposé au pire de la discrimination pinballesque. Maintenant vous verrez que la communauté du flipper n’est pas si obtuse. Certes, nous avons des rechutes de temps en temps, mais il est possible qu’on se tienne bien si vous nous annoncez ne jouer que sur téléphone.
Pour ma part, j’ai un flipper Stern et un flipper VR sur lequel je joue à Pinball FX, même pas à VPX. Je suis clairement un parvenu. Et vous ?