Moins d’un an après la sortie du flipper Toy Story 4, Jersey Jack Pinball sort son huitième flipper : The Godfather (le Parrain dans le monde francophone). Avec cette licence cinéma de premier plan, JJP confirme sa capacité à rivaliser avec le leader Stern sur des thèmes iconiques.
Le jeu est-il à la hauteur de sa franchise ? C’est ce que nous allons voir.
Sommaire
- 1 Un lancement commercial au-dessus de la mêlée
- 2 Une licence Le Parrain pas si facile à adapter
- 3 Un visuel délicieusement de mauvais goût
- 4 Votre propre histoire dans l’univers du Parrain
- 5 Le plateau : une générosité condensée
- 6 Les trajectoires : la grande inconnue
- 7 Deux versions : Collector Edition et Limited Edition
- 8 Le prix du flipper Godfather
- 9 Un pinball qu’on attend de pied ferme !
Un lancement commercial au-dessus de la mêlée
Le mois de mars 2023 a été l’occasion de faire un comparatif des communications commerciales des fabricants de flipper. Bonne nouvelle : le niveau global augmente, avec la généralisation de teasers de plus en plus travaillés et de contenus dévoilés de plus en plus clairs et attractifs.
Jersey Jack Pinball reste néanmoins encore un cran au-dessus de ses concurrents, avec une vidéo de reveal scénarisée, et un partenariat avec l’équipe de Straight Down in The Middle (des Youtubers américains) qui produit une sorte de making-off particulièrement léché.
On regrettera néanmoins la communication du fondateur Jack Guarnieri qui a lancé une fausse piste sur Harry Potter de manière assez maladroite.
Une licence Le Parrain pas si facile à adapter
A-t-on vraiment besoin de présenter la trilogie The Godfather ? Dans le genre film de gangsters/mafia, Francis Ford Coppola signe en 1972 la référence du genre, encore valide 50 ans plus tard.
Mais une belle licence ne signifie pas une adaptation aisée. Comme le disait Syl Vain dans son test sur le Bram Stoker’s Dracula, les thèmes « sérieux » ne sont pas légion dans le monde du flipper. Les inserts flashy et le caractère ludique inhérents à nos machines collent par essence mieux à des sujets légers, qu’il s’agisse de franchises musicales ou de personnages de fiction issus des Comics par exemple.
S’attaquer à un drame au sens littéral du terme nécessite de réfléchir à deux fois pour respecter l’œuvre originale. En l’occurrence, l’artwork exploite le goût de la pègre pour les dorures clinquantes. Une façon astucieuse d’intégrer les contraintes du medium à l’univers des films.
Un visuel délicieusement de mauvais goût
#journalismetotal je risque ma vie pour énoncer cette vérité : les nouveaux riches ont des goûts de chiotte, qu’il s’agisse de la mafia italienne au milieu du XXième siècle, des rappers des années 90, ou des néo-capitalistes russes après l’effondrement du bloc soviétique.
L’artwork du flipper de JJP (surtout pour la version Collector) se fait l’écho du style rococo qu’on retrouve un peu plus subtilement dans les films :
- du doré sur toute la caisse et le fronton
- des têtes de lions sur les pieds avant (l’emblème de la maison Corleone)
- Un bouton de lockbar encadré par deux lions bondissants
- des side rails dorés avec la phrase mythique « I’m going to make him an offer he can’t refuse. » (traduction : « je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser »)
Le topper de l’édition Collector est plutôt sobre en comparaison du reste. Sobre dans ses couleurs, mais généreux dans son interaction. Deux gangsters entourent une voiture, le tout sculpté (pas de vilain plexiglas chez JJP). Les deux lascars vous tireront dessus avec leurs mitraillettes, pétarade sonore incluse grâce à deux knockers dédiés.
L’artwork est une création à 6 mains entre Christopher Franchi (caisse et backglass), Jesper Abels (plateau) et Jean-Paul de Win (typographie et finitions du plateau). Ceux qui, comme Lazarus, perçoivent un manque de cohérence de l’ensemble trouveront l’explication dans cette organisation particulière. Pour ma part, je n’ai pas ce sens du détail.
L’artwork du plateau respecte la licence, en revanche je ne suis pas sûr de le trouver très lisible. Les indications d’avancée dans le scénario sont dispersées à plusieurs endroits du playfield, cela n’aide pas à la compréhension en un coup d’œil. Retenez néanmoins que le vitrail central indique votre progression dans l’histoire principale.
Pour la défense de l’artiste, la complexité des règles ne facilite pas son travail. On pourrait dire qu’il s’agit d’une marque de fabrique chez JJP : des missions touffues, destinées à un public qui souhaite un gameplay profond à défaut de compréhensible par le joueur moyen.
Justement, parlons du scénario.
Votre propre histoire dans l’univers du Parrain
Sans que cela ne soit explicité clairement, le flipper s’inspire de toute la trilogie, même si les références semblent se concentrer sur les opus 1 et 2, qui ont plus marqué les esprits que le n°3.
Première surprise : vous pourrez incarner d’autres Parrains que celui de la famille Corleone. Vous aurez le choix en début de partie entre 5 familles, chacune vous donnant des avantages spécifiques sur certaines missions, mais aussi un malus (ou deux). L’équilibrage est-il au point ? Certains choix sont-ils plus judicieux selon le style et le niveau du joueur ? Cela reste à découvrir.
Jersey Jack Pinball a pris l’habitude de nous offrir une infographie pour expliciter les règles du jeu. Ce n’est pas du luxe, car, comme écrit plus haut, il faut généralement s’accrocher pour comprendre quoi faire lors des premières parties. N’essayez pas de lire les règles sur la reproduction ci-dessous, c’est juste pour vous montrer la bête.
L’objectif principal est de contrôler New York en réussissant les 8 missions représentées en jaune sur la mosaïque. Réussir deux missions jaunes adjacentes vous donne l’accès à la mission bleue intercalée. Pour déclencher le mini-wizard mode « Honor », il vous faudra en plus avoir déclenché les 4 multiballs.
Et il ne s’agit que du mini-wizard mode ! Pour accéder au vrai défi final « Kiss the ring », vous devrez également réussir toutes les quêtes annexes. Enthousiasmant pour certains, décourageant pour d’autres. En tous cas, à l’image des autres productions du fabricant, le code semble profond façon fosse des Mariannes.
Le plateau : une générosité condensée
GENEROSITE ! Cela a toujours été le maître mot de JJP pour se distinguer du leader Stern Pinball. La dernière production d’Eric Meunier, Guns ‘N Roses, comportait un plateau fourni, mais sans toy vraiment impactant.
Sur ce flipper Godfather, la générosité est toujours aussi présente mais elle semble s’être agglomérée autour de certains éléments :
- Le gangster qui vous balance des rafales de droite et de gauche avec sa mitraillette, surplombant un disque contrôlable et accessible par devant et par derrière ;
- Le seul bumper, positionné en première moitié de plateau (un peu comme sur le Godzilla) et grimé en fontaine kitsch toute de led illuminée ;
- Le topper (version CE) avec ses 2 malfrats déjà évoqués plus haut ;
- La skyline en métal découpée au laser en guide de décor pour une rampe accessible via le 3ème batteur.
Pas mal, non ? Et je ne parle ici que des éléments interactifs, parce que je suis feignant. On notera également la profusion de jeux de lumière, à la limite de l’excès. Mais on aime les leds ! Et JJP en a fait sa marque de fabrique.
Les trajectoires : la grande inconnue
Si le plateau a été montré sous toutes ses coutures, on ne peut pas en dire autant du gameplay. Dans les deux vidéos mises à disposition, la circulation de la bille est peu mise en exergue. Tout ce que l’on sait vient de l’interview de Eric Meunier (Designer) et Keith Johnson (Lead Programmer) : un usage immodéré des diverters a été fait, offrant 27 trajectoires différentes.
La quantité n’étant pas la qualité et encore moins le plaisir de jeu, cet argument me semble un peu daté. La surenchère n’excite pas les adultes que nous sommes. Elle me rappelle les arguments sur les jaquettes de jeu vidéo des années 1990 et 2000 vantant le nombre de polygones, la distance d’affichage, le nombre de couleurs…
Les rampes ne nous instruisent pas beaucoup plus sur le flow, et le fond de plateau ressemble à un plat de spaghetti napolitaines (métaphore filée mesdames messieurs!) :
- deux entrées de rampes métalliques dont l’une servie par un 3ème batteur
- a priori d’autres entrées moins évidentes
- deux sorties de rampes au niveau des batteurs, celle de droite étant particulièrement longue et droite, avec une arrivée inversée par rapport aux standards habituels. Comme si la bille allait remonter dans l’inlane, même si ce n’est pas ce qu’on aperçoit dans les vidéos.
- une petite rampe qui dessert la grande rampe rectiligne
Bref, on reste sur notre faim sur le flow, impossible de savoir s’il fera mieux que son concurrent du moment Foo Fighters. Ce dernier a mis la barre très haute.
Deux versions : Collector Edition et Limited Edition
JJP a cessé de produire des versions standard depuis quelques temps déjà. C’est comme si Stern ne faisait plus de version Pro. Ainsi, les deux plateaux possèdent les mêmes mécaniques de jeu, seuls les accessoires décoratifs changent (les lions, les side rails, le topper, la statue de la liberté, art blades…).
La version Collector est limitée à 1000 exemplaires, la version Limited n’en a que le nom. Ca devient difficile à comprendre, cette histoire, Jersey Jack Pinball devrait revoir le nom de ses gammes.
Néanmoins, on constate que Stern est de plus en plus esseulé à proposer un gameplay simplifié sur un de ses modèles.
Le prix du flipper Godfather
Voici les tarifs pour un flipper Le Parrain :
- Limited Edition : 13 800€ TTC
- Collector Edition : 17 900€ TTC
Ah làlà oui c’est cher, mais souvenez-vous que la version Limited du Toy Story sortie à l’été 2022 était à 14 500€ TTC. Il ne s’agit pas d’une fleur de la part des Américains, mais d’une évolution un peu plus favorable du cours euro dollar. On mini-souffle, on ne peut pas dire qu’on respire non plus 🙂
Un pinball qu’on attend de pied ferme !
La promesse est belle, pas de doute là-dessus, et mise en valeur par une communication de plus en plus maîtrisée. Tout va dépendre désormais de la qualité des trajectoires.
De plus, Eric Meunier doit encore prouver sa valeur sur le gameplay. A la rédaction, nous avions en effet été déçus du flipper Guns ‘N Roses, dont les multibilles étaient éreintants plus qu’amusants. Ce flipper sera-t-il celui de la maturité pour le jeune designer ? On l’espère.