J’ai une affection inexpliquée pour ce flipper. Il doit toucher une corde sensible liée à la petite enfance. Le plaisir de jouer avec une boule de démolition, peut-être ? Alors parlons un peu de Junk Yard, que j’ai récemment redécouvert dans un bar au fin fond de la Dordogne mais aussi dans sa version jeu vidéo Zen Studios.
Sommaire
- 1 Un flipper sur thème de la décharge : il fallait oser !
- 2 I’m feeling like a wrecking ball !
- 3 Un scénario de flipper ordurier
- 4 Le Wizard Mode de l’espace
- 5 Junk Yard : un hommage aux succès de Williams
- 6 La référence secrète
- 7 Un plateau moins original que le thème
- 8 Un artwork à mettre à la poubelle ?
- 9 Un flipper qui ne fait pas l’unanimité
Un flipper sur thème de la décharge : il fallait oser !
Je plagie sans vergogne la rubrique podcast de mon collègue Syl Vain, car ce flipper mériterait de faire l’objet d’une de ses chroniques. Voici le pitch : vous devez récolter des objets dans une décharge pour construire un engin spatial. Vous êtes aidé(e) dans votre quête par un démon et une ange qui se contrediront sur les matériaux à collecter. Les anges n’ont pas de sexe normalement mais Williams s’autorise beaucoup de libertés avec cette machine, comme vous allez le lire.
Vous pourrez aussi remonter dans le temps grâce à un bus magique et accomplir des missions inspirées par les flippers iconiques du fabricant Williams. Ah j’oubliais : vous devrez échapper à un chien féroce, et ensuite l’assommer avec des biscotes pour sauver les mollets délicats d’une femme qui sort de sa douche.
Mais… Quoi… Comment ? Il avait fumé quoi Barry Oursler en couchant le scénario sur le papier ? Et chez Williams en 1996, on laisse passer sans sourciller une histoire complètement pétée ? Ne confond-on pas originalité et délire sous hallucinogène ? N’était-il pas temps de lever le pied sur les thèmes originaux et partir sur des licences qui donnent un cadre travaillé par des scénaristes professionnels ?
Ce flipper m’amène à la réflexion iconoclaste suivante : le thème, est-ce qu’on ne s’en fout pas un peu finalement ? Si j’en viens à apprécier un flipper dont le concept n’a ni queue ni tête, cela me fait relativiser l’importance que je lui donne. Le gameplay l’emporte toujours.
En farfouillant sur le net, j’ai trouvé le synopsis : vous êtes un inventeur enfermé dans la décharge de Crazy Bob, sous bonne garde puisque Spike, le molosse de votre nemesis, vous mord les jarrets à la moindre occasion.
I’m feeling like a wrecking ball !
Un flipper recommandé par Miley Cyrus ! Le toy principal est une boule de démolition, suspendue à quelques millimètres du plateau. Il faudra la frapper durant certaines missions et elle gênera volontairement l’accès au trou et aux cibles qui se trouvent en fond de plateau.
Il s’agit d’un accessoire particulièrement réjouissant : en se balançant, il rend les trajectoires chaotiques puisqu’il vient dévier la ou les billes. Pour autant, le tout reste tout à fait jouable car les interactions se font à une allure suffisamment raisonnable pour anticiper les changements de directions. Un équilibre parfait d’originalité et de simplicité.
Deuxième innovation de ce toy : pour déclencher le multibille, il faut heurter la boule de démolition afin que celle-ci vienne toucher les voitures disposées en arc de cercle au-dessus des cibles fixes. Chaque collision allume une lettre du mot M-U-L-T-I-B-A-L-L. Une fois le mot complété, la boule se relève, facilitant le tir vers le shoot central qui lance alors l’action.
Un scénario de flipper ordurier
Comme je l’écrivais plus haut, le scénario principal consiste à récolter des déchets dans la décharge. Il existe plusieurs manière d’y parvenir :
- en obtenir grâce au skill shot, si vous dosez adroitement votre tir
- Réussir les video modes
- viser les rampes quand le bon voyant est allumé
Les déchets (sèche-cheveux, grille-pain, roues de vélo, bocal à poisson…) se combinent par paire pour devenir des objets improbables :
- Un pistolet lanceur de toasts
- un radar
- un vieux tacot
- un sous-marin
- un engin volant
Chaque invention donne accès à une aventure. Réussir les missions octroient des feux d’artifice. Pourquoi ? Quel est le rapport, me demanderez-vous ? Le rapport c’est les champignons qu’on prenait dans les années 90, ne cherchez pas plus loin. Ces feux d’artifice ont néanmoins de l’importance pour le wizard mode (l’objectif final).
Le Wizard Mode de l’espace
Après avoir vécu 4 aventures et collecté tous les objets nécessaires, vous lancerez votre engin de Frankenstein dans l’espace pour combattre Crazy Bob. Mais que fait un gérant de décharge dans l’espace ? Boah, on n’en est plus là, prenez ça pour un fait établi.
Le Wizard mode fait entrer 4 billes en scène avec lesquelles vous viserez les 5 « shots » que propose le jeu. Toute bille perdue vous sera rendue car l’autofire (le nom local du shoot again) est allumé sans interruption, jusqu’à ce que vous soyez à court des fameux feux d’artifice que vous avez collecté durant les aventures précédentes. Le nombre de pétards détermine également le bonus que vous obtenez avant que la mission ne démarre.
Junk Yard : un hommage aux succès de Williams
L’horloge coucou, un des objets à collecter, déclenche un autre type d’objectif. En visant la rampe du bus magique, vous voyagez dans le temps ! Oui oh, pourquoi pas ?
Sur l’écran DMD, la date du jour laisse place à une autre date. Celle-ci est choisie aléatoirement parmi 5 valeurs, positionnées quelques mois après les lancements commerciaux de flippers majeurs de l’ère Williams. Certains pensent que les dates correspondent à la fin de production des machines, mais ce n’est pas certain. Pour chacune d’elles, Junk Yard emprunte une mission inspirée des thèmes correspondants :
- 13 janvier 1993 – Move your Car – Creature From the Black Lagoon
- 31 août 1991 – Payback Time – Terminator 2
- 14 décembre 1992 – The Mamushka – The Addams Family
- 31 octobre 1995 – Saucer Attack – Attack From Mars
Ne vous attendez pas à entendre les call-outs des jeux, ceux-ci sont contrefaits, très probablement pour des raisons de droit.
La référence secrète
« De qui se moque-t-on ? On nous annonce 5 flippers en référence, et seulement 4 sont cités. Remboursez notre article gratuit ! »
Nous n’avons pas menti, il existe bien une cinquième référence. Datée du 14 février 1999, elle s’intitule « Knight Mission », et n’a rien à voir avec la série des flippers Black Knight. Dwight Sullivan, qui a collaboré avec Barry Oursler, a réfuté cette hypothèse il y a bien longtemps.
Mais alors, de quel flipper s’agit-il ? Rappelons que Junk Yard est sorti en 1996, donc les designers ont anticipé un futur qui ne s’est pas produit. Et à l’époque, les nouveautés Williams s’enchaînaient à un rythme beaucoup plus intense que chez Stern Pinball aujourd’hui. Il y a donc peu de chance qu’il soit ici évoqué un flipper déjà en cours de conception et annulé ensuite.
Un message subliminal lancé par les concepteurs à leur Direction ? Genre « on veut un nouveau Black Knight de Steve Ritchie » ou bien « virez Ritchie, on peut faire mieux sur sa licence » ? Ou une blague potache que l’Histoire n’aura pas retenue ? Contactez-nous si vous avez des infos.
Un plateau moins original que le thème
La structure du playfield est beaucoup moins déjantée que son sujet, de là vient peut-être l’équilibre de l’ensemble. Le toy principal est en fond de plateau, les rampes et autres tirs peu ou prou en éventail autour. Un format proche d’un « fan layout » comme on dit dans le jargon du flipper.
Le tout donne un centre de plateau dégagé et des trajectoires plutôt faciles, chaque cible étant accessible depuis le batteur gauche ou droit. Le « sewer » (égout) fait office d’exception, avec un angle un peu plus délicat sans être insurmontable.
La seule originalité de la structure vient du tir initial : le lance-bille propulse la bille au travers d’un spinner qui déclenche le bonus du skill shot. Elle s’engouffre ensuite dans un tunnel qui la fait réapparaître sur une rampe courte desservant le batteur gauche. Ça surprend la première fois !
Un artwork à mettre à la poubelle ?
Il ne faut pas oublier que le dessin sur le plateau a avant tout une fonction pratique, celle d’indiquer clairement au joueur ce qu’il doit faire. Sur ce point, Junky Yard se révèle particulièrement explicite.
Mais niveau esthétique, il y aurait à redire : le parti pris de présenter les objets à assembler sur un « blue print », c’est-à-dire un papier millimétré sur fond bleu, est totalement cohérent avec le fait qu’on incarne un ingénieur. Mais cet aplat bleu et les contours des objets dessinés en blanc n’aident pas à la lecture. De plus, cette zone peu colorée ne se marie pas avec le haut du plateau, plus chamarré.
Pour finir, et là il s’agit d’un avis complètement subjectif, je n’accroche pas au rendu des personnages ou objets, même si le fronton me semble plus réussi que le plateau. Les décals de caisse et ce logo me rappellent les mauvais graffitis que mes potes essayaient de faire dans les années 90. C’est cohérent avec le thème, encore une fois, mais ce n’est pas très beau. D’un autre côté, qui a déjà vu une belle décharge ?
Un flipper qui ne fait pas l’unanimité
Certains le considèrent comme sous-coté, une de ces pépites dormantes qui vaudra un jour un petit pactole, d’autres trouvent qu’il ne vaut pas mieux que les détritus dont il fait son sujet. Voici ce qui revient le plus dans les points négatifs :
- Un plateau trop vide en son milieu
- Un code souvent qualifié de déséquilibré
- Un jeu qui ne propose pas assez de challenge aux bons joueurs
- Un thème qui manque de cohérence (tiens donc)
Dans les aspects positifs :
- Un thème qu’on se surprend à apprécier, une fois passée l’incompréhension initiale
- La boule de démolition, un des meilleurs toys de l’histoire du flipper
- Des vidéos modes variés et sympa
Personnellement, j’y reviens toujours avec plaisir, sous n’importe quelle forme que ce soit. Il fait partie de mes coups de coeur que je n’essayerai pas de justifier.
BOULE DE DEMOLITIOOOOOOON !