Theatre of Magic | Bally

Faire un test retro sur Theater of Magic, c’est replonger dans l’adolescence des quadragénaires que nous sommes. Pour Lazarus et moi, il s’agit même d’un élément fondateur de notre amitié, il y a donc de l’enjeu !

Midway, Bally, Williams… C’est quoi ce foutoir ?

Savoir qui est le fabricant de Theater of Magic (ToM pour les intimes), c’est retracer l’histoire des fusions/absorptions dans le monde du flipper. C’est bien Bally qu’on retrouve sur l’écran DMD et sur l’apron (la partie métallique en bas du plateau). Mais si vous regardez sur Internet Pinball Database, vous lirez que son fabricant est Midway, une filiale de WMS Industries.

Midway est créé en 1958. Dix ans plus tard, Bally, alors leader du flipper, rachète Midway. Bally perd sa couronne dans les années 1980, la révolution des flippers « électroniques » ayant eu raison de lui. WMS Industries, la holding détenant Williams, rachète Bally et donc l’ancien Midway par la même occasion.

Mais parce que tout ceci serait bien trop simple, les entités Williams, Bally et Midway coexistent au sein de WMS : Midway produit ainsi notre flipper ToM sous la marque Bally.

Welcome to the Theater of Popadiuk

Theater of Magic est commercialisé en 1995, en plein âge d’or du flipper. Il est produit à 6 600 exemplaire. Un chiffre faramineux si on chausse nos lunettes du XXIème siècle, mais qui en fait un poids moyen dans son époque. Il est loin d’entrer dans le top 12 des flippers qui ont dépassé les 15 000 unités.

Sa conception est signée John Popadiuk, un nom qu’on entend encore aujourd’hui avec le flipper Houdini d’American Pinball. En 1995, à la sortie de ToM, John vient de produire un an auparavant son plus grand succès commercial : World Cup Soccer. Mais si, vous voyez, le pinball avec un demi-ballon de foot qui tourne et un gardien sur le plateau de jeu.

John Popadiuk - 2018
John Popadiuk en 2018

Bref, en 1995, le gars est sûrement dans les petits papiers de la Direction. Il se lance dans un projet sans licence associée, ce qui est considéré comme une prise de risque dans le secteur. Une licence apporte un univers, donc accélère la conception et la production des visuels. Et une licence apporte aussi une audience. Partir de zéro augmente la part d’aléa. Cela ne veut pas pour autant dire que le flipper va se planter, juste que le risque est plus élevé.

Le flipper du parfait petit magicien

Malgré l’affection que je porte à ce flipper, il faut le reconnaître : John Popadiuk enchaîne les clichés sur les spectacles de magie avec cette machine.

En effet, il ne fait pas dans la demi-mesure avec ces missions convenues ! Celles-ci énumèrent les tours les plus éculés de la prestidigitation : la femme en lévitation, la camisole cadenassée, le chapeau magique avec le lapin, le coffre avec des chaînes, le jeu de cartes… On nous aurait demandé une liste, on aurait fait la même.

Theater of Magic - Lower playfield
La liste des missions principales du Theater of Magic

D’ailleurs, les mécaniques de jeu associées à ces missions, lorsqu’il ne s’agit pas du coffre, n’ont pas vraiment de rapport avec l’objectif. Il s’agit de shooter les boucles, les rampes ou la bille captive, rien de plus. Le plateau n’offre aucune cible tombante (drop target) pour varier les plaisirs. Simple, vous dis-je.

La magicienne vous guide au long des missions

Une ambiance sonore au plus juste

Oui mais voilà : c’est bien fait donc ça passe crème ! Tout d’abord la bande-son à l’orgue est pile dans le thème, avec juste ce qu’il faut de mystère inquiétant. Par ailleurs, elle a le bon goût de ne pas être tonitruante. Sérieusement, je boude la moitié des flippers de cette époque à cause de leurs musiques qui font saigner les oreilles.

Quand j’étais ado, j’étais persuadé que la trappe manquait d’entretien et qu’il fallait lui mettre un petit coup de WD40. Elle faisait un vieux bruit de loquet rouillé à chaque ouverture. Si j’avais eu du courage j’en aurais fait la remarque au gérant de la salle d’arcade.

Naïf que j’étais ! C’est un bruit enregistré. Il a fallu que joue récemment à la version mobile de Zen Studios pour comprendre la supercherie. Voilà voilà, 25 ans plus tard, j’ai découvert la vérité… Heureusement que le Père Noël existe, parce que sinon je serais à deux doigts de remettre en cause toutes mes certitudes.

Shoot the Magic Trunk

L’organisation du plateau ne révolutionne pas le genre, mais nous évite tout de même le poncif du gros toy au milieu et des rampes sur les côtés. 2 belles rampes bien satisfaisantes, une boucle courte et ultra rapide autour du toy principal, ces shoots sont jouissifs et faciles. Ici, pas de bille qui parcourt la moitié de la montée pour redescendre directement entre les batteurs, tous les tirs cadrés font mouche, ou presque.

Mais surtout, le gros du jeu s’articule autour du toy principal : le Magic Trunk. légèrement décalé sur la gauche du plateau, il s’agit d’un coffre qui tourne sur lui-même. Sur une face, vous avez une cible aimantée, sur une autre une trappe. Tapez 3 fois sur la face pleine présentée par défaut et le coffre se retourne pour laisse apparaître le trou. En le visant, vous déclenchez alors la mission.

Le toy emblématique du Theater of Magic : le Magic Trunk !

Lorsque la face pleine est face à vous, vous pouvez également tenter un tir mou vers la petite boucle. Avec un peu de chance votre bille tombera dans la trappe alors située à l’arrière du coffre, et vous prendrez ainsi un raccourci vers le multiball.

Le deal qu’offre Popadiuk est le suivant : si tu aimes ce toy, ce flipper sera pour toi mémorable. Le toy ne te fait ni chaud ni froid ? Tu trouveras ToM insipide.

Même si les autres éléments du plateau ne sont pas dénués d’intérêt, tout est pensé pour vous faire jouer avec le Magic Trunk. Le reste n’est que poudre de perlimpinpin, comme dirait un Président français qui a le bon âge pour y avoir déjà joué.

Aimant, vidéo mode, bille captive… Un pinball généreux

En plus du coffre interactif, Theater of Magic coche pas mal de cases du playfield exemplaire. On dirait que Popadiuk a joué au bingo du plateau :

  • Un aimant « Spirit Ring » fait changer la bille de rampe après l’avoir immobilisée quelques secondes
  • Deux billes captives sont utilisées notamment pour la mission « Tiger Saw »
  • Des bumpers, slingshots, rampes se comptent en nombre académique
  • Un skillshot peu inspiré (tirer sur le coffre dès l’arrivée de la bille) et facile qui gratifie le joueur, même débutant, en début de partie
  • La trappe, celle qui grince, ne s’ouvre qu’un temps très court et permet d’accéder à un avantage aléatoire
  • Un « magna save » : comme son nom l’indique presque clairement, il consiste en deux aimants sur chaque outlane (les passages qui font perdre la bille sur les côtés). Ceux-ci s’activent selon certaines conditions, stoppent la bille, pour la remettre vers l’inlane, le passage des côtés qui mène vers les batteurs. De plus, le son qui accompagne l’action est, de mon point de vue, l’un des plus plaisants du jeu.
Flipper Theater of Magic - photo prise chez Loisirs et Techniques, à Bordeaux
Le plateau vue de biais avec pleins de reflets car je ne suis pas photographe

Un video mode hors sujet

Parmi ces avantages débloqués par la trappe, le video mode relève de l’anomalie. Il s’agit peut-être du seul aspect du gameplay qui ne colle pas avec le thème de la magie : des cibles tombantes à toucher avec une bille et des batteurs virtuels sur l’écran.

Mais quelle logique y voyez-vous ? Ils auraient pu faire un truc avec des lapins à dégommer, des cartes à lancer ou manipuler… Les idées ne manquaient pas pour rester dans le sujet. Incompréhensible. Après, on ne tombe pas sur le video mode à chaque partie, et même en le réussissant il est vite expédié.

Voilà à mes yeux la seule fausse note.

Un « grand finale » peu mémorable

Pour atteindre le wizard mode, c’est-à-dire le mode de jeu ultime, il « suffit » de réussir tous les tours de magie et débloquer la finale par un tir dans la mini-boucle. On ne le répètera jamais assez : nous sommes des Low Score Pinball Wizards, autant dire que je n’ai jamais débloqué ce « grand finale ».

Et quelque part, je n’en suis pas frustré, car il semble un cran en dessous du reste : vous devez exécuter le plus de rampes et boucles possibles en un temps limité, autant qu’il y a de lettres dans « Magic Theatre ». Chaque shoot réussi vous crédite de 50 millions de points, ce qui n’est pas une paille pour un flipper qui score, pour un joueur lambda, le plus souvent en centaines de millions. Si vous réussissez à allumer toutes les lettres, vous obtiendrez 500M de plus.

Les animations à l’écran ne sont d’ailleurs pas particulièrement plus impressionnantes que pour le reste des illusions, ni les voice overs mieux travaillés. A chaque boucle ou rampe, la voix masculine se contente en effet de scander « Fifty Millioooons ! »

A la fin, on aime ce flipper ou pas ?

Pour ma part, je ne le qualifierais pas d’inspiré ni d’original. Mais j’aime la simplicité de son code, sa prise en main rapide, ses shoots agréables et son coffre à marteler.

De toute façon, comme il s’inscrit dans mes souvenirs adolescents, il pourrait être une grosse bouse que je lui garderais de la tendresse. Fort heureusement, même si elle lui est acquise, il la mérite. Je n’aimerais pas faire mentir mon blason de « coldest pinball analyst ».

Les petits détails d’un plateau de flipper, on pourrait en découvrir tous les jours !
Nick_O
Nick_Ohttps://pinballmag.fr
Collector of friends who have pinball collections.

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