Flipper facile, flipper difficile : quelle différence ?

« Ce flipper est vraiment trop dur ! » « Tu rigoles ? J’ai fait 1 milliard à ma deuxième partie ! »

Vous les connaissez, ces conversations où personne n’arrive à se mettre d’accord sur la difficulté d’un flipper ? Cela vaut le coup de se pencher sur la question, car définir ce qui fait la facilité d’un flipper n’est pas si simple et universel que cela.

Cet article est un condensé des échanges très riches qu’il y a eu lors d’un podcast dédié au sujet, avec la contribution active de nos auditeurs.

La difficulté d’un flipper : définition

Rien que sur ce premier paragraphe, il n’y a pas consensus. Nous allons lister les critères qui reviennent le plus souvent, et juger s’ils méritent d’être conservés.

La durée d’une partie

Le premier élément est le temps que le joueur va mettre avant de perdre la bille. Bien évidemment, on parle du temps actif, il ne s’agit pas de bloquer la bille sur un batteur et attendre le déluge.

Nous l’avons tous expérimenté : la durée d’une partie est très variable d’un flipper à l’autre. Elle dépend de nombreux paramètres que nous listerons plus bas.

Le délai d’une partie est d’ailleurs un indicateur scruté par les concepteurs de flipper. Le dosage entre le plaisir et la frustration est un élément essentiel pour optimiser les gains en exploitation, tout comme donner envie à un particulier d’acquérir la machine.

Quand on ressent une alchimie avec un flipper, c’est généralement que celui-ci s’est laissé apprivoiser pendant quelques minutes par bille au moins. Il faut être maso pour se prendre une rouste et dire « je le veux ! ».

Réussir les missions

Un débutant ne fera pas très attention à ce détail, car il est justement concentré sur le fait de ne pas perdre la bille. Mais un joueur plus expérimenté jugera de la difficulté d’un flipper en fonction de sa capacité à progresser dans le scénario.

Déjà, quel est l’effort nécessaire pour lancer une première mission ? A titre d’illustration, sur le flipper Godzilla de Stern Pinball, il faudra effectuer une rampe puis viser le scoop. Ce dernier étant en partie masqué par un bumper particulièrement retors, bien des parties s’écoulent sans qu’aucun combat contre un kaiju (un gros monstre) n’ait été déclenché. A l’inverse, d’autres flippers déclenchent une mission automatiquement au lancer initial.

Clairement le nombre d’inserts allumés en fin de partie au centre du plateau (lieu où la progression est le plus souvent affichée) est un critère majeur.

Quand un bon joueur vous indique avoir atteint le wizard mode après seulement quelques parties, vous pouvez en déduire que le flipper est effectivement « facile ».

Faire des gros scores

Nous faire croire plus performants que nous ne le sommes, et ainsi flatter notre ego est une technique qui a fait ses preuves ! Il s’agit peut-être de la meilleure façon et aussi la plus vile de nous faire aimer un flipper. Pourquoi croyez-vous que les scores sont le plus souvent comptés par dizaines ou centaines de millions ? Parce qu’un gros chiffre plaît au joueur !

Le procédé est complètement artificiel, on pourrait enlever six zéros que cela ne changerait rien au jeu. Mais cela suffit à faire croire à un amateur non averti qu’un flipper est facile parce qu’on y atteint régulièrement le milliard.

Cela peut d’ailleurs faire l’objet de malentendus. Cette machine est facile parce qu’elle score bien / Elle est difficile parce que les missions ne se complètent pas facilement.

Flipper Theatre of Magic - Un flipper "facile"
Theatre of Magic – Un flipper qui score !

Inscrire son nom dans les high scores

Une autre façon de nous leurrer, c’est de définir des high scores par défaut plus ou moins hauts. En déloger un donne toujours satisfaction, et peut laisser entendre que la machine se laisse facilement dompter. Mais il s’agit juste d’un chiffre dans une table, à la main de l’exploitant le plus souvent, par défaut du fabricant de flipper. Cette valeur n’est donc pas commune à toutes les machines d’un même thème.

Le seul high score qui compte est celui qui détrône un autre joueur réputé performant. Dans ce cas il ne s’agira plus de juger de la facilité d’un jeu, mais de comparer les compétences des protagonistes. Ce qui est hors sujet, vous nous le concéderez.

Durée d’une partie + progression : retenus. Les autres dehors !

Nous avons séparé le bon grain de l’ivraie. On retiendra donc la durée de la partie et l’accessibilité des missions comme des critères recevables. Tous les ego trips à base de nombre de points sont écartés.

Maintenant passons aux caractéristiques qui rendent effectivement un flipper plus dur qu’un autre.

Pourquoi un flipper est-il plus dur ou plus facile ?

A des fins pédagogiques, nous allons classer les caractéristiques qui font varier la difficulté d’un jeu en trois catégories :

  • Les éléments physiques du plateau
  • Le code, les règles du jeu et le scénario
  • L’état de la machine et ses conditions d’utilisation

Les éléments d’un plateau qui modifient la difficulté d’une flipper

La liste ne prétend pas être exhaustive, mais voici de quoi vous donner matière à réfléchir.

L’architecture du plateau

Plus les obstacles sont proches des batteurs, plus la bille risque de les heurter et revenir rapidement en laissant peu de temps pour réagir. A l’inverse, les playfields disposant leurs toys et rampes sur le dernier tiers du plateau laissent au joueur le temps d’anticiper les trajectoires.

Mais tout est une affaire de dosage car des rampes très éloignées nécessitent plus de précision également.

Les entrées de rampes

Si celles-ci sont étroites et droites, les tirs nécessiteront de la précision. En revanche, si leur forme est en entonnoir renversé (la partie évasée vers le bas du plateau), la bille sera mieux guidée pour les emprunter.

Flipper Houdini American Pinball rampes étroites
Les rampes particulièrement étroites du flipper Houdini d’American Pinball.

La présence d’un troisième batteur sur les côtés

On se dit qu’on en a plus pour notre argent quand le nombre de batteurs augmente, mais le jeu se complexifie également. Car généralement la présence d’un batteur sur un côté va de paire avec celle d’une rampe accessible uniquement avec celui-ci. Il faut donc enchaîner deux tirs pour réaliser l’action voulue.

Sur le flipper Jurassic Park par exemple, l’exercice est particulièrement périlleux, avec un ou deux shoots tendus réalisables uniquement avec le flipper au centre droit. Rater une mission parce qu’une dernière rampe planquée nous échappe fait rager !

Difficulté d'un flipper - Flipper Jurassic Park Stern Pinball 3eme batteur
Le 3ème batteur du flipper Jurassic Park et ses tirs difficiles

La largeur des sorties

Certains batteurs sont plus écartés que d’autres. Citons par exemple l’écart, que dis-je, le gouffre que nous inflige le flipper Ghostbusters !

Difficulté d'un flipper - Ecartement des batteurs sur le flipper Ghostbusters.
L’écartement des batteurs sur le flipper Ghostbusters.

De plus, l’espacement des zones d’accès aux outlanes joue un rôle crucial. Sur les machines modernes, cet écartement est réglable, avec deux ou trois positions possibles. La modification se joue à moins d’un centimètre, mais celui-ci fait la différence !

La fréquence des « avions »

Pour un œil non averti, les avions (quand la bille fonce tout droit entre les batteurs) sont le fruit du hasard. Il n’en est rien ! Les designers font attention à doser leurs occurrences, en calibrant les trajectoires de redescente : un quart de degré dans l’orientation d’une rampe, un plot pour dévier la bille, la forme même des toys à basher… Rien n’est laissé au hasard.

La fréquence des avions est donc le plus souvent un choix délibéré, visant à corser le jeu ou le rendre plus accessible.

L’impact du code sur la facilité d’un pinball

On sous-estime souvent l’importance du code sur le plaisir et le niveau de défi qu’un flipper propose. Mais à la lecture de ce paragraphe, vous ne serez plus à convaincre.

Les ball save

La présence et la durée des ball save (qui rendent la bille quand le temps de jeu a été trop court) modifient grandement l’accessibilité d’un flipper. Le designer Keith Elwin par exemple est un habitué des plateaux punitifs, mais grandement adoucis par le nombre et la longueur des ball saves. A chaque table son équilibre !

Les missions

Comme écrit plus haut, lancer une pauvre mission peut s’avérer une tannée quand les conditions de déclenchement nécessitent un enchaînement de tirs. Une fois le défi enclenché, le nombre de shoots et leur variété influent également sur notre capacité à le réussir.

Des flippers comme Medieval Madness dont la trame principale se résume à marteler la herse du donjon permettent au joueur de progresser plus vite, car le geste à répéter est unique ou presque.

Flipper Medieval Madness - Le toy à basher
Le toy à basher du flipper Medieval Madness

Le nombre de missions (pour les joueurs chevronnés)

Atteindre le wizard mode (l’ultime mission) est un objectif en soi, différent de faire un high score. S’il vous faut réaliser trente missions au préalable, un bon joueur qualifiera le scénario d’ardu. A l’inverse, si le nombre de conditions à remplir pour déclencher la « grande finale » est limité, il y a des chances qu’un pro gamer trouve le défi assez peu relevé.

Un débutant ou un joueur moyen ne l’appréciera pas forcément pareil, habitué qu’il est à ne pas voir le bout des scénarios.

L’existence de raccourcis

Je ne parle pas de raccourcis physique sur le plateau, façon Mario Kart, mais d’astuces qui réduisent considérablement la difficulté d’une mission.

Par exemple, sur Tales of the Arabian Nights, les missions des mille et une nuits peuvent être automatiquement réussies si la lampe magique a effectué un certain nombre de tours sur elle-même. Plus besoin de viser les rampes avec les pastilles jaunes ! Bon, pour le coup cela en devient même trop facile.

Difficulté d'un flipper - Toy Lampe - Flipper TOTAN
La lampe du Tales of the Arabian Nights, qui facilite le jeu !

Dans un autre style, sur le flipper Deadpool, les combats deviennent des jeux d’enfants si on a pris le temps d’activer l’intervention d’un ou plusieurs alliés X-Men avant de démarrer une mission.

La lisibilité des règles

Certaines tables prennent un malin plaisir à masquer ce qui est attendu du joueur. Ce qui est VRAIMENT attendu du joueur !

On a l’habitude de considérer qu’il suffit de viser les inserts lumineux pour savoir quoi faire. Sur certains flippers, faites cela et vous êtes sûrs de finir avec un score minable. Les combinaisons gagnantes, les enchaînements de missions payantes devraient être clairement balisées mais ce n’est pas toujours le cas, loin de là.

Aparté : le cas d’école du flipper Tortues Ninja

Lors du podcast nous avons longuement commenté le cas du flipper TMNT de Stern Pinball. Sans aucun doute, le plateau est une réussite. Le troisième batteur rend les choses un peu compliquées parfois, mais le challenge est bien dosé.

Par ailleurs, l’ambiance sonore et visuelle est irréprochable. On se sent comme une cinquième tortue des égouts. Et pourtant, ce flipper ne fait pas partie du top 10 des meilleurs flippers des années 2010.

Difficulté d'un flipper Flipper TMNT Plateau
Le plateau du flipper TMNT

Pourquoi ? Mais parce que le code est tout simplement incompréhensible ! Vous pouvez jouer vingt minutes et ne pas faire décoller votre résultat, et à l’inverse vous pouvez torcher vos trois billes en trois minutes et entrer dans les scores.

Quand les mécaniques de jeu nous échappent, nous considérons que le flipper est difficile. En réalité le code est tout simplement mauvais, mais cela rend l’expérience éprouvante. Il faut beaucoup pratiquer un jeu pour faire la différence entre un mauvais code et un code difficile. Et l’appréciation reste subjective.

Ce flipper en particulier gagnerait à être mis à jour. Stern, si tu nous lis…

L’état de la machine influe sur sa difficulté

Nous avons jusqu’à présent cité des critères inhérents à la conception d’un flipper. Entendons par là des facteurs qui ne varient pas d’un exemplaire à un autre pour un même modèle. Mais une des raisons les plus fréquentes qui rend une table difficile est un manque d’entretien.

Quand les bobines des batteurs sont à bout de force et que la bille peine à monter les rampes, le jeu devient sacrément difficile. Si une partie des inserts, censés guidés l’action, sont cramés, il est compliqué de savoir ce qu’il faut faire.

Pour les Pinheads qui n’ont pas accès à des machines bichonnées par leurs propriétaires, le défaut de maintenance est le premier critère de difficulté, et de loin !

La pente du plateau

Qui plus est, si la pente est inclinée au maximum, vous aurez du mal à battre des records. Ce paramètre est encore une fois à la main de l’exploitant. C’est un moyen brutal et direct de raccourcir les durées des parties.

Les partie gratuites et billes supplémentaires

Ne parlons pas ici de la fréquence de gain à la loterie, car cela influe peu sur le sentiment général de difficulté d’un flipper. En revanche, si les parties sont gagnées en cours de jeu, parce qu’on a atteint un score particulier, ou si les billes supplémentaires sont offertes généreusement à l’issue d’une mission, on s’accordera à trouver le flipper facile.

Là aussi, ces réglages sont le plus souvent à la main du propriétaire de la machine.

A vous de juger de la difficulté d’un flipper

Nous avons essayé de balayer ce qui rend un pinball facile ou difficile. La pondération de ces critères appartient à chacun, faites-vous votre propre opinion !

Et si vous trouvez qu’il manque un item dans cette liste déjà fournie, n’hésitez pas à nous contacter sur notre page Facebook.

Nick_O
Nick_Ohttps://pinballmag.fr
Collector of friends who have pinball collections.

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