Le 28 décembre 2021, Stern Pinball a officialisé son nouveau flipper au détour de l’annonce de leur présence « virtuelle » au Consumer Electronics Show de Las Vegas. Un timing pour le moins étonnant puisque Noël était passé, et que la semaine avant le 31 est généralement une période creuse pour les news.
Le 4 janvier sortait la traditionnelle vidéo de présentation et, dans les jours qui ont suivi, le reveal complet animé par Jack Danger, l’infatigable streamer et désormais designer. Sans avoir mis les mains sur la machine, nous avons donc tous les éléments pour réaliser une preview.
Sommaire
Rush, le groupe de hard rock super important mais qu’on ne connaît pas
Les réactions au thème du flipper, à savoir le groupe Rush, sont un excellent exemple des différences culturelles entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Nous sommes persuadés qu’aucune star anglophone ne nous échappe, tant les maisons de disques anglaises et d’outre-Atlantique nous ont paru hégémoniques ces 70 dernières années.
Et pourtant, les forums US se sont extasiés devant cette annonce, évoquant une licence historique pour une musique d’exception. Chez nous, les réseaux sociaux ont réagi unanimement en déclarant « je passe » ! Mais alors, avant même de parler de la machine en elle-même, ce groupe est-il vraiment important ?
Je vous fais une petite sélection des citations qu’on peut trouver sur le groupe.
« Il est indéniable que de tous les grands créateurs de l’histoire du Rock, Rush est le plus sous-estimé. » Ultimate Guitar
« Rush bénéficie en Amérique du Nord du statut de légende vivante. » METALORGIE
« Rush a été certifié disque d’or 24 fois et disque de platine 14 fois aux États-Unis. » WIKIPEDIA
Ouais, les gars, je crois que la France est bien passée à côté d’un truc important, si tant est qu’on s’intéresse au hard rock. Je vous pose là un petit raccourci vers le Greatest Hits de ces messieurs canadiens, à écouter en même temps que vous lisez ce texte. Et pour les moins patients, voici leur titre phare.
Pour oser ma propre analyse je dirais ceci : imaginez si Led Zeppelin avait duré deux décennies de plus et avait ajouté du synthé et du psychédélique à leur composition.
En tous cas si vous aimez Led Zep’, jetez-y votre oreille, vous pourriez faire une découverte. Rush partage avec eux le goût des titres à rallonge, des digressions gigantesques et des ruptures rythmiques comme les années 70 en ont tant produit. A l’époque les rockeurs aimaient mettre plusieurs chansons dans une seule.
Pour finir, le groupe est reconnu pour ses qualités techniques, son batteur Neil Peart au premier chef. Le magazine Rolling Stones le classe au 4ème rang des meilleurs batteurs de tous les temps, excusez du peu. D’ailleurs, la mort de Neil Peart a provoqué la dissolution du groupe fin des années 2010, après plus de 40 ans de bons et loyaux services.
Une licence sans coup de canif
La gestion des licences pour les produits dérivés ressemble à un des douze travaux d’Hercule dans sa version administration démoniaque. On peut avoir le droit d’exploiter l’image des musiciens, mais pas leurs chansons, ou pas toutes, ou l’inverse, ou pas d’images de live, ou je ne sais quoi encore.
En l’occurrence, le flipper Rush bénéficie d’une version suffisamment complète pour que les fans s’y retrouvent. A défaut d’être un connaisseur, je peux comparer la liste des chansons incluses et différents top 10 du groupe et voir que les immanquables sont présents : Tom Sawyer, Cygnus X-1, Freewill et Working Man notamment.
L’écran passe des images de concert d’excellente qualité, d’autant qu’il s’agit de représentations plutôt récentes. Ne vous attendez donc pas à voir les artistes dans leur prime jeunesse, on n’est clairement pas dans des vidéos d’archive.
Mais je trouve qu’ils ont bien vieilli, ces Canadiens, pas comme l’affreux Axl Rose qui est encore plus laid aujourd’hui que quand il se baladait en slip, et qu’on doit se farcir sur l’écran LCD du Guns ‘n Roses de Jersey Jack Pinball.
L’artwork : hoot again !
Syl Vain, notre nouveau rédacteur, a résumé brillamment ce qu’inspire l’artwork : ils ont copié Guitar Hero ! Et effectivement, la façon dont le trio est représenté sur le plateau ressemble furieusement à la jaquette du jeu vidéo, jusque dans les tonalités utilisées.
La représentation du trio au centre du playfield oscille entre la caricature et la représentation naïve. En tous cas les musiciens sont parfaitement reconnaissables. A ne pas comparer avec ce que déroule l’écran LCD, car 30 ans séparent les deux visions du groupe.
Des toys qui font honneur au rock band
Je reprends ma comparaison avec Led Zeppelin. Là où la bande de Robert Plant et Jimmy Page avait hérité d’un flipper pour le moins inintéressant début 2021, Rush s’en sort plutôt pas mal.
En premier lieu, il y a des toys. Des toys qui servent le gameplay j’entends, pas des jouets inertes et posés juste pour faire joli.
Le premier, qu’on retrouve sur les modèles Pro, Premium et Limited Edition, s’appelle la Time Machine. Il trône au fond du plateau. Il attrape la bille, et sur les versions Premium et LE la rampe d’accès se lève pour ouvrir un nouveau passage, un peu comme sous l’escalier du manoir du Elvira’s House of Horrors.
Le deuxième jouet est réservé aux versions Premium et LE : la batterie de Neil Peart, la « clockwork Angels Clock », restitue une horloge fonctionnelle dont l’heure indique le niveau d’avancement vers le « Headlong Multiball ».
Dernière particularité : une toute petite partie du plateau est transparente et permet de voir le nombre de billes verrouillées pour le multibille. Une façon originale de restituer une info utile, même si on a vu plus original, comme les billes magnétisées sur le back panel du Stranger Things par exemple.
Oui, mais où est la folie ?
Bon, le designer John Borg et la team Stern Pinball ont fait un travail propre. Il n’y a pas grand chose à reprocher à ce flipper.
Mais j’ai beau regarder en boucle le stream de Jack Danger, je n’y vois rien qui s’imprimera dans ma mémoire.
Les toys sont présents mais ne sont pas particulièrement inventifs. Les rampes sont sympa et les courbes travaillées, mais ne provoquent aucun étonnement, ni dans leur habillage (car il n’y en a pas) ni dans leur impact sur le rythme du jeu. Les trajectoires sont connues et attendues.
Le troisième flipper donne accès à une rampe rapide qui peut s’enchaîner à plusieurs reprises. Mais là aussi, nous sommes en terrain connu.
Le flow, l’argument pour « sauver » une machine
Alors on espère que le flow pimentera le tout. Mais le flow est un concept surestimé. Quand il est mauvais, on le sent tout de suite. Quand il excelle, seuls les bons joueurs savent l’exploiter. Les autres continuent à perdre leurs billes en moins de 30 secondes et tricoter en paniquant.
Sur cette machine Rush, le flow ne sera pas mauvais, le boulot du fabricant est trop léché pour cela. Nous sommes donc condamnés à des débats sans fin entre soit-disant experts sur les réseaux sociaux. Et chacun y lira ce qu’il veut y lire, c’est-à-dire confirmer ses propres a priori.
Moi je résume le sujet ainsi : tu aimes Rush ? Tu y vas ! Tu ne les connais pas ? Tourne-toi vers une autre machine car tu passes à côté du principal intérêt du flipper, sa licence.