En septembre 2022 étaient commercialisés les flippers James Bond Pro, Premium et Limited Edition. Dans le même temps, Stern Pinball annonçait qu’une version 60ème anniversaire sortirait avant la fin de l’année. Mais n’allez pas croire que cette nouvelle édition améliore simplement la précédente, car en réalité tout change :
- Le thème
- Le designer
- Le plateau
- L’artwork
- Les options
- Le prix
Bref, la proximité des deux sorties laisse penser à une logique de gamme, mais il n’en est rien. Nous vous décrivons dans cet article ce flipper 100% différent.
Sommaire
- 1 Le prix du James Bond 60th Anniversary
- 2 Un artwork, ou plutôt un collage
- 3 Où est passé le goût du détail chez Stern ?
- 4 Un écran remplacé par des rouleaux résolument retro
- 5 Le meilleur d’un plateau de flipper à un seul niveau
- 6 Un chapeau tournant, un écran sur le plateau
- 7 James Bond 60ème anniversaire : un problème de positionnement
Le prix du James Bond 60th Anniversary
Tapons directement là où ça fait mal : il s’agit du flipper neuf le plus cher de l’histoire. OK, on est habitué, chaque machine est l’occasion d’une hausse de prix en ce moment. Mais tout de même, il est annoncé à 20 000$ aux Etats-Unis, et 28 000€ en France… Ah oui, ça pique hein ? Surtout quand on sait qu’il s’agit d’un design retro, et donc moins « riche » que les standards actuels. Et les frais d’importe actuels n’arrangent pas les affaires du marché européen…
Le James Bond Limited Edition était lui à 17 200€ en septembre, ce qui n’était déjà pas donné. Qu’est-ce qui justifie cette hausse monumentale de prix ? Pas l’équipement du flipper, c’est une certitude, vous le verrez plus bas. Deux hypothèses sont envisageables, elles ne sont pas confirmées par le fabricant à ce jour :
- Les licences : s’appuyer sur toutes les générations de films James Bond comme c’est le cas ici, avec la représentation de tous les acteurs qui ont incarné l’espion ou ses protagonistes, coûte le PIB d’un pays occidental. Payer les ayants-droits pourrait justifier la différence de tarif, ou du moins une partie
- Le coût de conception : amortir la conception d’un flipper sur 500 exemplaires comme c’est le cas pour cette édition anniversaire, et non sur quelques milliers d’unités pour les Pro, Premium, LE tous confondus, ça ne passe pas tout seul dans un tarif standard.
J’en profite pour faire une aparté : les différences de plateaux sont inexistantes chez Stern entre leurs versions Premium et LE, et la version Pro est une version expurgée de quelques mécaniques de jeux et de toys. Donc le temps passé pour imaginer 3 modèles est à peu près équivalent à celui passé pour n’en sortir qu’un seul.
Un autre exemple : La version 40ème anniversaire du flipper Elvira House of Horrors ne diffère que par des aspects esthétiques, le plateau est strictement le même que la version LE ou Premium. Exploiter un même thème avec deux concepts totalement différents chez un même constructeur la même année est donc assez inhabituel, comme le coût de ce 60th anniversary.
Au passage : je n’essaie pas de défendre le prix, j’essaie d’en comprendre les raisons, en évitant de tomber dans l’argument démagogique de la rapacité qu’on aime attribuer aux « puissants ». On parle de Stern, là, pas de Monsanto…
Un artwork, ou plutôt un collage
L’illustration de la caisse reprend les images des films dont le jeu s’inspire et les côtés du fronton énumèrent leurs noms, point barre. La backglass reprend en format dessin des scènes cultes, disposées en étoile autour du logo 007. D’ailleurs, on remarque que l’image de Sean Connery en jetpack est similaire à celle utilisée pour la version Limited Edition. Ah donc pardonnez mon imprécision, il y a un tout petit point commun avec les autres flippers James Bond.
Le dessin du plateau est épuré, et de mon point de vue peu réussi. Côté couleurs, l’artiste Kevin O’Conner joue la sobriété, ce qui n’est pas un problème en soi. En revanche, les photos des 6 acteurs tout juste détourés et réhaussés par un contour jaune ont un arrière-goût des vilaines pratiques Photoshop des années 2000. Idem pour les méchants, eux aussi au nombre de 6. Bref, sans être tout à fait moche, ce plateau n’est pas à la hauteur d’une édition ultra collector.
Où est passé le goût du détail chez Stern ?
Mais que s’est-il passé pour que ce flipper mérite si peu d’attention dans les détails ? Pourquoi des speakers panels dignes d’une version Pro ? Et ces sides rails dont la découpe laser fait à peine mieux que la ligne droite standard ? Ce petit bouton aux couleurs de l’Union Jack en guise de lance-bille est-il sincèrement censé relever le niveau ? Rien sur la porte du monnayeur ? Tout juste le chiffre 60 sur le devant de la caisse ?
OK, on nous gratifie d’un topper, mais son interaction avec le jeu se résume à un lightshow maigrelet et la forme générale est… Rectangulaire, le strict minimum. Voici probablement le topper le moins inspiré de ces dernières années. Ca me fait regarder d’un oeil plus clément celui du Netflix Stranger Things, qui à l’époque ne m’évoquait qu’une superposition de plexiglas.
Tout ce qui vient d’être cité ne nécessiterait pas plus de 500$ de pièces et main d’œuvre, et vu le tarif, ni Stern ni les potentiels acheteurs ne sont à 500$ près.
Un écran remplacé par des rouleaux résolument retro
Fini de râler, passons à un élément qui assume sa différence : l’écran LCD habituel laisse place à 4 rouleaux comme on en trouvait sur les flippers électro-mécaniques. Le tout est habillé par un écran en plastique rétro-éclairé à certains endroits :
- quand le score dépasse 9 999, un voyant 10 000 s’allume, puis 20 000 etc… Jusqu’à la valeur « over the TOP ». Sympa.
- Le nombre de joueurs, la bille jouée, le tilt, le game over ou le shoot again bénéficient du même traitement visuel.
Pour le coup, cette originalité est bien trouvée, cohérente avec l’aspect old school, et bien réalisée. Mais attaquons-nous maintenant au gameplay.
Le meilleur d’un plateau de flipper à un seul niveau
Keith Elwin est probablement le concepteur de flipper de moins de 60 ans le plus talentueux (les designers ont des carrières longues dans ce secteur). Et son amour pour les rampes biscornues fait le charme de ses créations. On ne peut qu’imaginer sa frustration face à un cahier des charges exigeant un plateau « à l’ancienne », sans rampe, ni playfield secondaire.
Et pour autant, il s’en sort ici remarquablement bien, en évitant l’écueil majeur de l’exercice : faire un flipper qui ressemble à une de ces nombreuses copies fades des années 70. Deux boucles sur les côtés, 3 bumpers en triangle en haut de plateau, combien de tables ont cette structure ? Beaucoup trop.
Ici Elwin s’inspire des boucles inattendues de son chef d’oeuvre Godzilla. La trajectoire en forme de 8 sur la partie gauche éveille la curiosité. Les cibles tombantes en enfilade pour verrouiller les billes font toujours plaisir, même si le stratagème remis à au goût du jour par Spooky Pinball pour son Total Nuclear Annihilation a perdu de sa fraîcheur. Je ne cite pas tous les détails, mais les options de jeu qu’offre ce plateau sont plus nombreuses que son parti pris retro le laisse penser.
Une petite frustration néanmoins : alors que Spooky Pinball innove sur le bas de plateau en réinventant les arrivées de rampes sur son nouveau flipper Scooby Doo, Stern reste très sage, trop sage. 1 inlane et 1 outlane de chaque côté, merci, au revoir.
Pour finir, ce plateau a été moqué pour ses 4 spinners, un nombre imposant dont les fabricants ne sont pas coutumiers. Je n’y vois pas d’inconvénient, cela ne gâche rien.
Un chapeau tournant, un écran sur le plateau
Côté toys, Stern retombe dans le minimum syndical. Le plateau n’en accueille qu’un seul : le chapeau d’Oddjob qu’il faut faire tourner, à l’instar de la lampe magique du Tales of the Arabian Nights. Situé au centre du plateau mais juché sur un petit bitoniau, il ne devrait pas masquer les cibles M-I-6 qui sont derrière. Quand on en vient à se féliciter qu’un toy ne gêne pas le jeu, c’est quand même qu’il y a un problème d’attractivité…
Juste en dessous du chapeau, un petit écran LCD a été installé, avec un jeu de vis beaucoup trop voyant pour être bien intégré. Une restitution des consignes directement sur le plateau est toujours une bonne idée sur le principe, car le joueur moyen n’a souvent pas le loisir de lever les yeux vers le fronton. Et par ailleurs, les rouleaux limitent le nombre d’informations restituées. En revanche, la taille du dispositif n’autorise probablement pas une forte interactivité, pas comme le P3 Multimorphic.
James Bond 60ème anniversaire : un problème de positionnement
Ce flipper est-il un Home Pin qui ne dit pas son nom, comme l’ont évoqué certaines personnes sur les réseaux sociaux ? Un Home Pin, c’est un flipper d’entrée de gamme chez Stern Pinball. Au-delà de la blague, la remarque pointe du doigt le vrai souci de ce flipper. A bien y réfléchir, tout le problème vient de son positionnement bancale. Il semble être victime de contraintes contradictoires :
- Trop cher pour l’acheteur habituel
- Pas assez rare pour les collectionneurs (500 exemplaires, c’est beaucoup)
- Trop simple pour un amateur de « grand jeu »
James Bond 60th anniversary semble le fruit de compromis mal dosés.
Et pour autant, et c’est ce qui est le plus rageant, il est taillé pour être un des meilleurs plateaux « single level » qu’on ait jamais connu. Car aux côtés de Keith Elwin, on trouve Mark Penacho sur le code : Fish Tales, Hurricane, Earthshaker, Elvira and the Party Monsters. Beau palmarès, non ? Clairement le logiciel, donc les mécaniques de jeu, ne devraient pas décevoir.
Se vendra-t-il néanmoins ? Pas sûr, en tous cas nous en sommes beaucoup moins sûrs que lors des hausses tarifaires précédentes. Stern a peut-être poussé le bouchon trop loin, volontairement ou pris par ses propres contradictions industrielles.