Pat Lawlor | Concepteur de flippers

Au Panthéon du flipper, Pat Lawlor aura probablement un couloir pour lui tout seul, tant les machines qu’il a conçues ont marqué l’histoire du flipper. Par ailleurs, il est un des rares designers à avoir su rebondir après la disparition de Bally/Williams. Il a donc imprimé sa patte sur deux époques très différentes.

La sortie de cet article coïncide aussi avec le départ à la retraite de ce monument, et pose la question de sa succession chez Jersey Jack Pinball. Mais commençons les choses dans l’ordre.

Un début de carrière dans le jeu vidéo

Pat Lawlor est né en 1951, mais son histoire officielle ne démarre qu’en 1987 chez Williams. Quelles furent ses premières expériences ?

Flipper Flicker

Ca vous parle Dave Nutting Associates ? Non ? Il s’agissait d’un sous-traitant pour le moins innovant de Bally et Midway Manufacturing : à la croisée des chemins entre le jeu vidéo et le pinball, son fondateur Dave Nutting croyait fermement que le micro-processeur serait l’avenir des jeux de salle d’arcade.

A titre expérimental, la firme implémenta un tout nouveau processeur Intel dans un flipper Flicker, une licence qui s’appuyait sur un des premiers films de Laurel et Hardy. Ce fut la première expérience du genre !

Bally Arcade
Console de salon Bally Astrocade

Le domaine de prédilection de la société était néanmoins la borne d’arcade et la console de salon, avec par exemple un jeu vidéo de flipper tout à fait honorable nommé Bally Pin, conçu pour la machine Bally Astrocade.

Bally finit par racheter Dave Nutting Associates fin des années 70, et la liquide à la suite du crash de l’industrie du jeu vidéo (console et arcade) de 1983. Les causes de ce crash sont multiples, mais citons une saturation du marché avec des jeux de piètre qualité, et la concurrence des ordinateurs familiaux. On se parle tout de même d’une baisse de 97% du marché des consoles de salon en l’espace de deux ans !

Juste avant sa disparition, l’équipe sort sa machine la plus originale, mélange de borne d’arcade et de flipper : baby Pac-Man.

Pat Lawlor y est embauché en 1980 en tant que video game designer. Il travaille notamment sur le jeu vidéo The Adventure of Robby Roto. Il démarre un prototype nommé Demons and Dragons mais qui sera annulé du fait de la crise de 1983. Un projet qui s’arrête d’un jour à l’autre est une expérience violente pour ceux qui la vivent, et malheureusement Lawlor la vivra deux fois dans sa carrière, lui laissant un goût amer.

Travailler dans une boîte aussi créative a probablement développé son goût pour l’innovation. La tutelle de Bally et les expérimentations de Dave Nutting dans le flipper ont suffisamment enrichi son CV pour qu’il puisse candidater chez Williams.

Les débuts chez Williams – Banzai Run

En 1987, Lawlor intègre donc les équipes de Williams, en tant qu’ingénieur, même si je vous avouerais ne pas comprendre pourquoi on ne le qualifie pas d’emblée de designer.

Wreck n’ Ball – prototype

Son premier projet est une co-création avec Larry DeMar. Larry avait intégré le fabricant plusieurs années auparavant, en 1980. Pour autant les deux acolytes avaient peu ou prou le même âge.

La première création du duo est Banzai Run, fondé sur un concept de Pat Lawlor. Celui-ci avait éprouvé l’idée auparavant sur un prototype nommé Wreck’n Ball, avec le concours de DeMar également. Il s’agit ni plus ni moins de deux flippers en un : en plus du plateau horizontal, le fronton est remplacé par un deuxième plateau quasiment vertical. Les deux playfields se jouent de manière traditionnelle, si ce n’est que la gravité rend la maîtrise de la bille difficile sur la partie verticale. La bille transite d’un plateau à l’autre par un petit ascenseur aimanté.

« Once again, Williams takes you where no one else has ever gone before! » – Slogan publicitaire

On ne parlera pas de grand succès, la machine ayant été produite à 1 751 exemplaires seulement, un volume qualifié de confidentiel pour l’époque. L’innovation débridée, c’est bien, mais quand elle ne respecte pas les doléances des exploitants le retour de bâton se fait vite sentir : deux plateaux, deux fois plus de maintenance pour des revenus équivalents.

Au passage, Banzai Run est la première machine incluant un attract mode, la petite démonstration qui se déclenche quand on appuie sur un des deux boutons sans avoir mis une pièce. Elle est l’œuvre de DeMar.

Les flippers « catastrophes naturelles » de Pat Lawlor

Lawlor peut ensuite développer ses projets en solo (comprendre : être le seul designer). Ses deux machines suivantes, Earthshaker et Whirlwind, lui donnent l’occasion d’imposer son style.

Un flipper « Lawlor » se distingue souvent par un toy ou un élément sur lequel repose le gameplay. Par exemple, Earthshaker est le premier flipper à inclure un… Shaker, oui bien vu ! Mais contrairement à son usage actuel qui ponctue n’importe quelle action, il s’agit ici de simuler un tremblement de terre quand on atteint la faille sismique. De plus, sur les premiers modèles sortis, ce pinball inclut un bâtiment, l’Institut, qui s’effondre lors d’une certaine phase de jeu. Oh, comme sur le flipper Godzilla de Keith Elwin ! La fonctionnalité n’est finalement pas retenue pour le reste de la production du Earthshaker.

En ce qui concerne le flipper Whirlwind, la « fonctionnalité qui tue » consiste en 3 disques insérés dans le plateau qui tournent sur eux-mêmes pour simuler des tornades. Chaque disque comporte un contour en caoutchouc afin d’accroître l’adhérence de la bille. Ainsi, la trajectoire de celle-ci est altérée, un peu comme une feuille dans le vent.

Oh j’oubliais : le topper du whirlwind est un ventilateur ! Quel sens du détail !

Les deux machines ont dépassé les 5 000 unités produites, un score dans la norme des bonnes ventes de l’époque, mais encore loin des succès qui attendent le concepteur.

Néanmoins, la vidéo ci-dessous montre un homme heureux, épanoui dans son boulot, ce qui ne sera pas toujours le cas, comme nous le verrons plus tard.

Le 3ème batteur, sa préférence à lui

Outre les toys farfelus, Pat Lawlor affectionne l’ajout d’un 3ème batteur en milieu de plateau sur un des côtés. Celui-ci constitue le seul accès à un élément (généralement une rampe) situé sur le côté opposé. On retrouve cette marotte dans un nombre important de ses productions, et les rendent moins faciles à jouer que d’autres machines, car finaliser certaines missions nécessite de viser juste deux fois dans la même foulée : l’une pour positionner la bille au niveau du 3ème batteur, l’autre pour réussir le tir avec lui.

Certes, ce 3ème flipper (et parfois 4ème flipper) n’est pas une exclusivité du designer, plutôt un élément récurrent de ses machines, bien plus que dans le reste de la production de flippers. D’ailleurs, cette lubie l’a suivie à travers les âges car on la retrouve sur ses productions des années 1990, 2000 et 2010. Keith Elwin, qui manifestement s’inspire de Lawlor, en est également féru (cf Jurassic Park ou Godzilla).

Le 3ème batteur sur The Addams Family

Une autre lubie de notre designer : les doubles inlanes sur un des côtés du flipper, comme sur l’image ci-dessus. Mécaniquement, cette pratique limite le nombre de billes qui vont finir sur l’outlane, et ce n’est pas dommage au regard de la difficulté assez récurrente des créations de Lawlor.

La consécration : FunHouse, Addams Family, Twilight Zone

La valeur n’attend point le nombre des années… Notre ami Corneille (le dramaturge, pas l’autre) se fourre bien le doigt dans l’œil en ce qui concerne Lawlor. Car le designer aura attendu ses 40 ans pour atteindre les sommets de son art. Il enchaîne alors un triplé légendaire en l’espace de 3 ans.

En 1990, Pat Lawlor lance le flipper FunHouse, une table typique du concepteur :

  • Un seul toy mais très original car il s’agit d’une tête parlante qui commente l’action et suit la bille des yeux
  • Le fameux 3ème batteur qui permet de frapper la bouche de Rudy (et non une rampe)
  • Un univers ultra cohérent sur un thème pour le moins original (la fête foraine en train de fermer ses portes)
  • Un jeu qui demande un temps d’appropriation long, et qu’on peut trouver austère

Le souci de cohérence va loin chez Lawlor : afin de donner l’illusion que Rudy, la tête parlante, a une personnalité, les joueurs se voient appeler aléatoirement Chucky, Spunky, Bucko, ou Slick lors d’une partie à plusieurs. Si par malheur vous êtes affublé(e) de ce dernier surnom, les callouts varient pour être plus sarcastiques. Manifestement Rudy n’aime pas Slick.

Autre anecdote : l’horloge que l’on retrouve sur le pinball Twilight Zone était initialement prévue sur FunHouse, mais le temps a manqué pour rendre le toy techniquement fiable. Le designer a donc préféré le remplacer par une version « numérique » sur le plateau, à base d’inserts pour simuler l’heure qui avance.

Il s’agit du premier grand succès commercial de Lawlor : 10 751 unités produites !

The Addams Family, l’objet culte des années 90

Le flipper The Addams Family (TAF) a beau être le plus grand succès de Pat Lawlor, il se démarque du reste de ses inventions sur plusieurs aspects.

Le Addam’s Family de Bally

Tout d’abord, il s’agit de sa première adaptation d’une licence. Et pas n’importe laquelle au regard du succès du film. Exploiter une licence apporte des contraintes dans le design et l’artwork autant qu’elle facilite les ventes, ce à quoi Pat Lawlor n’avait pas été confronté jusque là.

Ici, pas de toy prédominant, mais une mise en scène équilibrée avec des points d’intérêt un peu partout. Un peu comme sur le flipper Monster Bash de George Gomez, qui sortira 6 ans plus tard.

2 batteurs supplémentaires viennent agrémenter les parties, là on reste dans l’ADN du concepteur. Je n’en dirai pas plus, étant donné que Syl Vain en a déjà dit beaucoup dans son article sur ce flipper The Addams Family.

Retenons simplement que TAF fut le flipper le plus vendu de tous les temps, en dépassant les 20 000 unités produites. Ce record lui a valu une édition Gold sortie 2 ans plus tard, en 1994.

Twilight Zone : Lawlor a carte blanche

Intuitivement, on se dit que si un génie peut créer sans contrainte, le résultat sera mémorable. Il s’agit très souvent d’une méprise. Sans contrainte, on veut en faire beaucoup, voire trop. Le résultat est riche, il alimente les analystes pendant des années, mais manque souvent de la simplicité nécessaire à une œuvre mythique. C’est ce qu’il s’est passé pour Pat Lawlor avec son pinball Twilight Zone.

Fort du succès inégalé du Addams, Pat Lawlor a carte blanche pour sa deuxième licence. Le résultat est un flipper qui regorge de toys, intelligent et déstructuré, mais punitif et complexe (compliqué diront certains).

Plateau du Twilight Zone

La machine s’est admirablement bien vendue (15 235 modèles), mais simplement parce que les exploitants l’ont achetée les yeux fermés. Erreur ! La fameuse horloge, déjà prévue sur FunHouse mais abandonnée, tombait souvent en panne. De plus, la profusion de pièces originales a rendu sa maintenance cauchemardesque.

TZ est à la fois la quintessence de l’art de son designer, un objet de collection sans aucun doute, mais probablement pas le flipper sur lequel vous vous amuserez le plus, ni même l’enfant chéri de son concepteur.

Roadshow : les enfants jumeaux de Rudy du FunHouse

Lawlor est un homme raisonnable. Après le délire artistique que fut Twilight Zone, notre designer revient à une conception plus simple et qu’il maîtrise déjà. Roadshow, sorti en 1994, accueille sur son plateau un duo de tête d’ouvriers du BTP, dont la technologie est équivalente à celle de Rudy. Le gameplay est beaucoup plus évident, sans être simpliste.

Pat Lawlor retourne donc dans sa zone de confort, avec un thème original, qui génèrera des ventes très honorables (presque 8 000).

Le déclin : Safe Cracker et No good Gofers

Alors que le designer poursuit son chemin avec deux flippers pour le moins originaux, le marché bat de l’aile. Les ventes s’effondrent (moins de 3 000 par modèle), ne rendant pas hommage à la qualité des machines inventées par Lawlor.

Safe Cracker, sorti en 1996, se distingue sur deux aspects :

  • Une caisse beaucoup plus compacte et un fronton avec deux volets qui se referment, imitant ainsi un coffre-fort
  • Des jetons distribués au joueur lorsqu’il réussit certaines missions, et dont la fonction dépend du souhait de l’exploitant : une partie gratuite, un accès à un prix fourni par l’exploitant, ou simplement un souvenir

No Good Gofers, commercialisé un an plus tard, fait partie de ces flippers sous-cotés. L’artwork sans prétention, le thème faussement enfantin ne l’aident peut-être pas. Pourtant, la machine ne démérite pas dans le palmarès de Lawlor. La principale innovation est un tremplin amovible qui permet d’envoyer la bille sur une plaque de plexiglas inclinée en surplomb du fond de plateau. Cette deuxième vitre comporte un « trou ». Il s’agit d’un tir à la fois ardu et jouissif, bien dans l’esprit des autres créations du designer.

Pinball 2000 : feu d’artifice et fin de l’aventure Williams

A la fin des années 90, sauver le flipper est une question de survie pour les fabricants. Williams arrête donc tous ses projets en cours, y compris le flipper Cactus Canyon dont le code ne sera pas terminé (mais la machine tout de même commercialisée).

Les meilleurs cerveaux de la compagnie, au premier rang desquels Pat Lawlor et George Gomez, réfléchissent à une nouvelle génération de machine : le Pinball 2000, un mélange de flipper traditionnel et d’ordinateur qui joue sur la transparence pour enrichir le fond de plateau avec des vidéos interactives.

La machine est un succès critique, l’innovation, sur plusieurs aspects, est spectaculaire. Par exemple, le sofware et le plateau peuvent être changés, permettant au « cabinet » d’accueillir un autre jeu.

Malheureusement, Pinball 2000 ne sera jamais un succès commercial. Voici l’explication qu’en donne Pat Lawlor dans une interview donnée en 2009 :

« La question de savoir si Pinball 2000 fut un succès ou non n’a jamais été résolue. Williams était en train de devenir une société de jeux (machines à sous) et voulait absolument se retirer du secteur du flipper. Les analystes boursiers détestaient ne pas pouvoir évaluer correctement les actions tant que l’ancien vestige de la société [NDLR : donc l’activité flipper] survivait. Comme il n’y avait pas d’acheteurs pour l’activité flippers […], il était économiquement plus intelligent de fermer l’entreprise […]. » gamedeveloper.com

Bref, en résumé, selon Lawlor, c’est la faute aux financiers qui ont sacrifié une activité avant même de savoir si celle-ci pouvait rebondir en 1999. Le concept Pinball 2000 en a fait les frais.

Dans ce contexte, voici donc le deuxième projet brutalement avorté de notre créateur : Wizard Blocks, un flipper qui s’appuyait sur la technologie Pinball 2000, mais qui n’a jamais dépassé le stade du « whitewood », c’est-à-dire de la maquette en bois brut.

Comme tous les employés de Bally/Williams, Pat Lawlor doit rebondir ailleurs.

Le meilleur « move » des années 2000 ?

Que font les designers, une fois débarqués de chez Williams ? Les réponses sont variables :

Mais Pat Lawlor, pour sa part, crée sa société de sous-traitance dans le design de flipper : Pat Lawlor Design (PLD). Si le nom de l’entreprise utilise son patronyme comme signature, il ne travaille pour autant pas seul. En effet, ses acolytes de l’ère Williams l’ont suivi :

  • John Youssi, à l’artwork
  • John Krutsch en tant qu’ingénieur mécanique
  • Louis Koziarz au code

PLD signe un partenariat avec Stern, le premier concevant les machines tandis que le deuxième les fabrique et les distribue. Lawlor a donc une analyse particulièrement éclairée de sa valeur ajoutée sur le marché, et se concentre dessus. Pas d’investissement nécessaire, que de la prestation intellectuelle… C’est malin !

Par ailleurs, Lawlor sécurise ainsi le fait de travailler au quotidien comme durant l’ère Williams : une petite équipe dédiée à un seul projet en même temps, et très autonome.

Les flippers sous l’ère de Stern

Les productions des années 2000 ne restent généralement pas dans les mémoires. Clairement il s’agit du creux de la vague pour tout le marché. Néanmoins, retenons quelques créations PLD sur la période :

Pat Lawlor ne semble pas s’être particulièrement éclaté, et l’homme paraît amer fin des années 2000. Toujours dans la même interview de 2009 évoquée précédemment :

« Stern est un environnement radicalement opposé à ce qu’était Williams. Chez Williams, les concepteurs de jeux étaient le moteur de la créativité de l’entreprise. Nous étions à peu près autorisés à faire ce que nous voulions, y compris à choisir nos propres thèmes pour nos projets. Chez Stern, le thème est maintenant universellement choisi par la direction. Les concepteurs de jeux sont piégés et doivent travailler sur des projets qu’ils n’auraient jamais choisis autrement.

[…] Je n’ai jamais cru que les grands groupes faisaient de grandes choses. Ils font de bonnes choses, mais pas de grandes choses. Les grands groupes vous égarent parce qu’ils ne sont jamais intéressés par les concepts radicaux et les opportunités. C’est la raison pour laquelle les entreprises dirigées par des « focus groups » fabriquent généralement des produits si ordinaires. Les focus groups sont un moyen pour la direction de couvrir ses arrières au lieu de faire confiance à son talent.« 

(NDLR : un focus group est un petit échantillon de clients représentatifs à qui l’on fait tester les nouveaux produits ou concepts)

Cette amertume vient peut-être du fait que le partenariat avec le manufacturier touche à sa fin, le dernier flipper cosigné datant de 2008.

Pat Lawlor : un génie mais pas un devin

Quelque chose s’est brisé chez notre concepteur, en cette fin des années 2000. Il en vient même à prédire la fin du flipper sous 5 ans lors de la Pinball Expo de 2007 à Chicago. Quand gamedeveloper lui pose la question de ce qu’il serait nécessaire de faire pour raviver le marché du flipper, voici sa réponse en 2009 :

« Le flipper ne s’est pas suffisamment adapté au 21ème siècle. Les flippers qui sont fabriqués aujourd’hui sont fondamentalement les mêmes que ceux qui étaient fabriqués en 1992. À l’exception de quelques collectionneurs et de quelques irréductibles, le jeu est considéré comme sans intérêt par la population générale. Si l’on ne modifie pas le jeu pour l’adapter à la technologie actuelle, il connaîtra une mort lente mais certaine. »

Pourtant, les années 2010 lui donnent tort, avec un nouvel engouement, l’arrivée de nouveaux fabricants. La taille du marché n’a plus rien à voir avec les années 80 ou 90, mais la reprise est là, sur la base de machines qui restent fondamentalement les mêmes, et de prix qui s’envolent. Lawlor ne l’anticipe pas. Génie certes, mais pas devin.

Le recrutement par Jersey Jack Pinball

Parmi ces nouveaux fabricants créés au début des années 2010, Jersey Jack Pinball est amené à devenir le challenger de Stern Pinball, si ce n’est sur les volumes, au moins sur l’innovation. Notamment, nous devons à JJP les premiers écrans LCD et les LEDs à la place des ampoules à filament.

Début 2014, Jack Guarnieri, le fondateur ambitieux de JJP, déroule le tapis rouge à Pat Lawlor pour qu’il rejoigne l’aventure. Ce tapis rouge tient à la promesse de plateaux généreux et d’un thème sans licence à choisir par le designer, tout ce qu’il faut pour attirer notre vétéran. Voici un extrait du communiqué de l’époque :

« Le jeu sera une idée originale permettant à Pat et son équipe d’imaginer et de créer. Si vous êtes un véritable amateur de flipper, vous allez adorer ce flipper » déclare Jack Guarnieri, le fondateur de JJP.

Le flipper se révèle être Dialed In, qui sort en 2017. Il s’agit probablement du thème le plus bizarre de Lawlor. Si tout le monde en retient la connectivité Bluetooth et l’appareil photo (le tout lié au smartphone qui agrémente le plateau), on a vite fait de passer à côté du thème : les catastrophes qui s’abattent sur la ville Quantum City ! Hé oui, c’est le retour du « disaster theme » qui a tant inspiré Lawlor dans les années 90.

Le pitch de la machine est le suivant : vous récupérez par erreur un téléphone qui semble causer des catastrophes en chaîne, comme un raz-de-marée, une éruption volcanique, une tornade, une frappe EMP (une impulsion électromagnétique nucléaire), un tremblement de terre… Vous êtes confronté(e) à 11 événements différents. Tous les activer déclenche un des deux wizards modes, l’autre démarrant quand vous collectez 8 cartes SIM générant les problèmes. Pas sûr que ce scénario soit le plus adapté à un medium aussi « viscéral » que n’est le pinball. Et la fonctionnalité connectée semble plus de l’ordre du gimmick pour la communication que d’une vraie valeur ajoutée pour le joueur.

Néanmoins, on retrouve sur cette machine des toys originaux et ce flow à la fois difficile et satisfaisant propre au designer. Il s’agit donc du grand retour de Pat Lawlor, pas de doute là-dessus.

La deuxième machine de Lawlor pour Jersey Jack Pinball est Willy Wonka and the Chocolate Factory. Hormis qu’il s’agit d’une licence tirée du film de 1964 (pas celui avec Johnny Depp), le reste comporte les ingrédients que l’on aime.

Ces deux flippers JJP sont qualifiés de « sleepers », c’est-à-dire des tables sous-cotées, qui gagneront très probablement en valeur avec les années. Après quasiment deux décennies de flippers sous licences calibrées par Stern Pinball, JJP et Lawlor creusent un sillon fait de machines généreuses sous la glace, mais peut-être d’accès moins grand public. Se construire une clientèle prend du temps, quelle que soit la qualité du produit.

Le dernier coup d’éclat : le flipper Toy Story

A l’heure où nous écrivons ces lignes, JJP vient d’annoncer la sortie du dernier flipper de Pat Lawlor, tiré de la licence Toy Story. Il s’agit du dernier, car le plus récent, mais aussi l’ultime machine conçue par le designer. Celui-ci devrait prendre en effet sa retraite dans la foulée, à 71 ans.

Les attentes étaient énormes tant le film d’animation plaît à toutes les générations, et tant JJP a su créer l’envie autour des sorties de son designer vedette. Celles-ci sont difficiles à contenter, au vu des premiers retours, mais pour tout savoir, lisez la preview sur le pinball Toy Story.

Pour sa dernière création, Pat Lawlor reprend des mécaniques déjà éprouvées sur les machines qui ont émaillé sa carrière. Le meilleur exemple est le tremplin amovible qui fait décoller la bille pour la faire atterrir sur un plaque de plastique. Un vrai rappel du flipper No Good Gofers évoqué plus haut.

Certains trouvent ce flipper moins riche en toys que les autres créations de Jersey Jack Pinball. Je dirais plutôt moins déstructuré, plus accessible. Dans les interviews qu’il donnent, Lawlor est très clair sur sa volonté de faire un flipper grand public, comme la licence dont il s’inspire. Et pour faciliter les lignes de tir, il est préférable de positionner les éléments en fond de plateau. Lawlor connaît les bonnes pratiques, il sait en jouer pour respecter la licence qu’on lui confie. Chapeau ! L’histoire lui donnera certainement raison.

Une vidéo sur le Toy Story 4 commandée à l’équipe Straight Down in the Middle. Interview de Lawlor incluse!

Qui pour la relève ?

On ne remplace pas Pat Lawlor, on lui succède. Sa conception du flipper est si particulière qu’il peut avoir des émules, mais personne ne marche réellement dans ses pas, quelle que soit la qualité des nouveaux designers comme Eric Meunier ou Keith Elwin.

Jack Guarnieri fait confiance à Steve Ritchie pour tenir le rôle du grand sage. L’homme méritera probablement son propre article un jour. Il a démarré dans les années 70, œuvré chez Williams dans les années 90, puis été embauché chez Stern dans les années 2000. On lui doit des flippers connus comme la série des Black Knight, mais aussi Star Trek: The Next Generation, AC/DC… Son dernier flipper a été décrié : Led Zeppelin.

Steve Ritchie à gauche, Jack Guarnieri à droite

Il est possible que l’accueil plus que mitigé qui a été fait à la machine soit à l’origine de la rupture entre Ritchie et la firme de Gary Stern. Une aubaine pour JJP !

Même si ce n’est pas officiel, on suppose que la nouvelle recrue prendra la succession de Lawlor au poste de « Head of Game Design ». Pourtant, Steve Ritchie est d’un an plus âgé que son prédécesseur.

Pat Lawlor : la légende

Pat Lawlor mérite sa place auprès des plus grands designers. Sa touche n’a jamais plus à tout le monde, mais ceux qui y adhèrent ne jurent que par lui.

Dans tous les cas, reconnaissons qu’il s’agit d’un homme audacieux et brillant, qui ne s’est jamais endormi sur ses lauriers. Même ses « échecs commerciaux » (tout est relatif) restent des oeuvres marquantes que des designers moins talentueux lui envient.

Longue vie à Pat Lawlor ! Et pour le plaisir, une dernière vidéo du monsieur expliquant l’évolution du processus de fabrication d’un flipper entre les années 90 et aujourd’hui.

Les sources pour cet article sur Pat Lawlor

Voici les sources non précisées en cours d’article et qui ont permis la collecte d’information. Pour l’histoire de Pat Lawlor en général et en détail :

Pour un peu d’info sur Nutting Associates :

Pour le récapitulatif des flippers de Pat Lawlor :

Pour les règles du Dialed In :

Pour du contexte autour des événements de l’industrie :

Nick_O
Nick_Ohttps://pinballmag.fr
Collector of friends who have pinball collections.

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